vendredi 31 octobre 2014

Lanzarote : volcan éteint, mer de lave, chef indien, corbeau, etc.



J'attendais Lanzarote au tournant, parce qu'après La belle Gomera, Gran Canaria ne m'avait par qu'un vaste caillou désertique converti en plongeoir pour blonds du nord, sans charme ni mystère aucun.

Mais chaque île est une, et Lanzarote est une autre unique.

Vue sur la Graciosa depuis Lanzarote

C'est une escale sociale qu'on fait ici.

D'abord, l'équipage change encore. Capitaine Gilles est reparti en France. Mais Abalone n'est pas le ketch d'un seul. Ils sont quatre co-propriétaires, et deux des historiques du bord nous ont donc rejoint ici. Le quatrième arrivera lui au Cap Vert.

Faisons l'appel : après les départs consécutifs de Guillaume, d'Annette et de Gilles, il reste Pierre, Pauline et moi des six d'avant. On repart demain à cinq, skippés par Rémi et Henri donc. On hisse les couleurs, on prépare la relève, on fait l'inventaire.




De l'humain encore, puisque Lanzarote est la première étape de rassemblement de la flottille Med'hermione. Je crois qu'on est 16 ou 17 maintenant au port d'Arrecife. On avait déjà croisé certains sur la route, sans avoir eu de temps pour la rencontre. Ici, enfin, on prend le temps de trinquer. C'est la plus longue de nos étapes jusqu'ici.

On commence à connaître la troupe, on retient au moins le nom des bateaux quand on oublie celui des gens. Alors pour beaucoup je m'appelle Abalone, comme Pauline, comme Pierre, nous sommes tous Abalone.  On a retrouvé Eraunsia, l'autre bateau-à-jeunes du projet (ils sont là d'ailleurs : http://eraunsia.blogspot.com ). On les avait croisé à leur arrivée à Madère, nous partions le lendemain.

Et un midi à Arrecife, alors qu'on parlait d'eux justement en se laissant pousser les envies "il faudrait qu'on trouve un moyen de savoir où ils sont, on pourrait louer une voiture avec eux pour visiter ici", on voit passer derrière la forêt de mât un pavillon Med'hermione. A croire qu'on les avait invoqué, c'est Eraunsia qui arrivait. Ça veut dire "tempête" en basque, c'est pas si dur à prononcer et ça fait des bons copains d'escales. Nous sommes désormais un gang d'équipiers moins de 30 ans à rôder joyeusement.

Nous voici donc à la découverte de Lanzarote, avec Jérôme Eraunsia, Sophie Eraunsia recevant ses parents sur cette escale. C'est donc lui le blond que tu ne connais pas sur les photos qui suivent de nos aventures volcaniques à traverser des mers de laves peuplées de pas grand chose à part des corbeaux noirs de jais et de deux insectes au kilomètre, on surfe les cendres, on saute les miradors, on joue, on rit, on vole.




 

Ce chef indien qu'on a rencontré de profil

c'est pas nous m'sieur



Tentative de bond
Oui, bon...


Oh YE (ah)

Oh NO, YE(ah)'s over

On the road again


jeudi 23 octobre 2014

Un oeil sur les Canaries : La Gomera - Tenerife - Gran Canaria


On a laissé Madère redevenir toute petite à l’horizon avec l’envie gourmande d’y retourner. On est partis sous voile, et bordel ce qu’on est bien quand le vent est avec nous. Les étoiles qui s’étaient faites rares et timides par les nuits de grosse lunes des semaines passées sont revenues. On trace des lignes entre elles pour dessiner dans le ciel. Quand je serai grande, je saurai le nom des étoiles, des nuages et peut-être même des vagues. Pour le moment, je tente de rassembler mes souvenirs d’observation céleste avec mon père. Et vu l’état de ma mémoire de retraitée, j’écoute plutôt les histoires des coéquipiers.
en vrai c'est mieux

On a vu un lever de lune déguisée en quartier d’orange flamboyant, et puis encore des dauphins, du plancton phosphorescent, mais toujours pas de rayon vert. Puis on a accosté à La Gomera, première île de l’archipel des Canaries qu’on explorera.
J’insiste auprès de Gilles depuis le départ pour qu’on fasse une escale à La Gomera, tout ça principalement à cause d’une chanson de Féloche qui parle de cette île et du silbo, langage sifflé employé par ses habitants des hauteurs pour communiquer et résister.


Abalone au mouillage playa de Abalo

On gambade l’île, ses versants caillouteux, ses reliques de terrasses qu’on imagine vertes et cultivées dans un passé pas si lointain, sa forêt, ses pics, ses troquets. En quête de vert, on trouvera bien d'autres verres dans une vallée oubliée.

 
L'apacheta gomera, le Teide en fond, toujours

Accident de chasse à la figue de barbarie : les épines, partout, s'incrustent

Mais le résultat est juteux




Pour la chasse aux mûres, toujours prévoir un copain grand

On chemine au taquet, on descend tant et plus, mes mollets s’en souviennent. On tente le stop sans trop de succès, on se fait coincer dans les nuages, on mate un match dans un bistrot perché, planqué dans la brume. Un seul client ce soir là, et une serveuse qui s'en fait pour nous. Le stop marche peu, mais le marin malheureux beaucoup mieux : une voiture fait revient nous chercher après avoir vu la face deséspérée de Guillaume tentant le tout pour le tout avec la technique qui a fait la renommée de notre captain. On s'échappera finalement, non sans avoir pris cette culte photo souvenir.

 
Puis on a quitté La Gomera, pour Tenerife, l’île juste en face qu’on observait de loin depuis notre arrivée. Le mont Teide, en son sein (checks les pics, tu comprendras), la fait ressembler à un volcan japonais. 
Tenerife avec le mont Teide et son délicieux profil
Une traversée musclée au coeur d'un grain, c'est sûrement la Gomera qui nous retenait, on ne savait pas encore que c'était elle la plus belle. Une nuit à Tenerife, quelques autres à Gran Canaria, et nous voici ce soir à Lanzarote, dernière étape dans l'archipel...

mardi 14 octobre 2014

Madeira, Ilha Maravilhosa, PORTUGAL.

Dès son approche, Madère s'est faite superbe.

"Coucou, on est 15 dauphins et on est vraiment trop contents que vous veniez à Madère alors on va sauter non stop tout autour d'Abalone, et nos potes oiseaux vont planer joyeusement aussi, d'accord ?"

Pour la dernière nuit en mer, je suis de dernier quart : je veille de 5h à 8h. Abalone est repassé sous voile depuis quelques heures. Le vent est portant, la mer plutôt caressante. Et au loin des lumières. On voit la terre, pour la première fois depuis 5 jours. C'est l'île de Porto Santo, juste avant Madère. Quelques petits points lumineux qui se multiplieront alors qu'on avance. Étrangement, la terre en vue ne me fait que peu d'effet, bien moins que la magie de ce bateau qui file au vent vers cette autre île qu'on espère.

Porto Santo passée, on aperçoit les premiers phares de Madère. Là c'est autre chose. L'île se dessine au fil des milles, et j'ai du mal à la quitter des yeux, comme si elle risquait de disparaitre si j'arrêtais ma veille. Mon quart s'achève au lever du soleil. J'hésite à réveiller tout le monde au son de "Macumba" qui me trotte en tête par homonymie latente (oui, toi aussi, apprécie mon humour qui s'amarine). Mais je me recouche juste en souriant.

L'île est volcanique et ça se voit de loin. Des côtes escarpées, découpées, incroyables, des nuances noires, rouges, ocres, qui ondulent sur les falaises. Ça me rappelle ces Açores que j'aime tellement. C'est un véritable show de la faune locale qui nous accueille. On en oublierait presque que la barre ne répond plus.
 
Démonter le boitier de la barre à roue avant d'arriver au port, pour se faire à l'idée que non, vraiment, rien à faire, le cable est mort



Abalone se repose donc ici, dans la petite marina de Quinta do Lorde.



A terre aussi, je suis séduite. Au sud, l'île est verdoyante est accueillante. Les maisons blanches sont semées au milieu des champs de bananiers. Ca monte et ça descend incessamment, cette île serait donc faite en vagues ?

L'ami Filipe est le meilleur guide et nous fait aimer son île plus encore. Il faudra tester tous les punchas : le traditionnel au miel, celui des pêcheurs au citron, et celui qu'on va goûter dans un rade haut perché où l'on dit qu'ils sont les meilleurs de l'île. Orange, maracuja et sueur, un cocktail forcément détonnant.

On loupera juste le Pé de cabra mais Filipe et sa douce m'ont fourni la recette : 20 cl de vin sec d'ici, une bière brune, une cuillère à café de cacao en poudre, des zestes de citron et du sucre. Pé de cabra veut dire pied de chèvre...

Sur ses bons conseils, on part en rando. 2h de marche aller vers une chute d'eau 100m plus haut perchée encore. On est au Nord de l'île, l'air se rafraichit. Mais surtout ça sent la forêt millénaire, on respire verts, la vue est incroyable et on est des indiens.











 Madère est intense, dans ses couleurs, ses virements et ses virages, ses vues et ses visages. Et on n'en a vu qu'un tout petit bout. Je reviendrai, je l'ai promis. A moi, à Filipe et à la forêt.

Abalone à six

On aime quitter Tanger comme on a aimé y arriver. L'envie de reprendre la mer se faisait déjà omniprésente depuis quelques jours. Une obsession, des fourmis dans le pied marin, un nomadisme titillant. Mais cette fois c'est l'aventure : on part pour la Haute Mer (on estime lors la traversée jusque Madère à 5 jours de nav' sans toucher terre) et en grand comité.

On est six à bord depuis la veille, après les arrivées successives de Pauline (ma camarade de chambrée, enfin cabine, enfin poste arrière), Annette puis Guillaume. Sur un Abalone lui pas plus grand qu'avant, ça change tout. La bouffe, les quarts de nuit, tout est à rééquilibrer, notre petite routine de presque un mois à trois se retourne dans sa bannette. Et c'est tant mieux.



Voici donc de gauche à droite Pierre, Pauline, Annette, Guillaume et Captain contemplant son équipage



On apprend à vivre ensemble, ça passe déjà par cuisiner ensemble...
Le pain de Pauline, déjà légendaire

Une technique homologuée ISO rosé
Et un captain pas peu fier des pains du bord