lundi 19 octobre 2015

Première (et seule) étape : de Florence, OR, à Moss Landing, CA





On est jeudi 15 octobre. Un coup de fil matinal des coastguards officialise la possibilité d'échappade. Alors, pour la troisième fois, on est prêts. La sirène retentit, la circulation est coupée, le pont de Siuslaw se lève et on s'évade doucement de Florence. Du pont, des rives, des barcasses de pêcheurs, les badauds et des potes qui saluent.


nos amis lescoast guards qui viennent d'aller inspecter l'entrée : aujourd'hui, oui, ça passe
Regards anxieux à l'approche de la passe, celle-là même qui nous a déjà fait perdre deux jours, d'autant plus que la visibilité est super réduite. Mais point de déferlante. On passe sans encombre, nous voilà dans le brouillard certes, mais bien dans l'océan. Étrange de s'éloigner des côtes sans y voir, on est comme plongés dans une bulle de brume. La mer est grise et on peine à apercevoir même le halo du soleil.

Le brouillard se lève après la sieste et on rencontre nos premières baleines. Pas un ou deux souffles au loin, non là on est carrément encerclé, on ne sait plus où regarder, c'est un vrai champ de baleines. Alors oui, ça y est, on est en mer.


Pendant quelques jours on va suivre les côtes, jusqu'à atteindre Moss Landing, au Sud de San Francisco pour une dernière escale technique afin de régler l'inclinaison du nouveau mât avec Buzz, celui qui l'a fabriqué.
L'équipage au complet : Capitaine Laurent, Flo, Ugo, Julie. JO et Allen

Café marsouin
Première nuit de quart bien fraîche, on reprend goût ou coutume à ce drôle de rythme, à cette drôle d'habitude d'interrompre sa nuit pour (sur)veiller la mer. 

Pas de vent, on file au moteur et la mer se fait d'huile en ce deuxième jour. L'avantage est qu'on y voit du coup à bien des milles, et on se rend compte à quel point on n'est pas tout seul à errer dans ce Pacifique nord ouest. Un banc de marsouins noirs et blancs vient troubler le petit dej' en jouant à l'avant du cata. Deux coques techniquement c'est deux proues, et les mammifères marins semblent apprécier ce renfort de divertissement. 

Alors que les marsouins s'amusent encore tout près, l'équipage s'agrandit : un tout petit oiseau, à la dégaine bien plus terrienne que marine, s'agrippe aux écoutes de gênois. Mr Moineau aurait voulu prendre l'air de la mer ? On sait pas trop ce qu'il fait là ce petit piaf aux reflets jaunes, mais il est affamé. On partage avec lui nos goûters et rapidement, il prend ses aises en cherchant de quoi bequetter de toute part, pirouettant dans les mailles des filets ou explorant la boîte à pêche. 



A l'heure du déjeuner, sûrement par l'odeur alléché, c'est un fou à tête bleue qui vient prendre sa pause à bord. Il semble bien pataud perché sur le paddle, ses yeux globuleux comme incrustés dans son bec se contorsionnent et l'animal semble loucher. Assis dans le carré, on se croirait dans un zoo, du côté obscur de la cage, à se faire reluquer par un drôle d'oiseau.


Deuxième nuit de mer plus humide que froide, il pleut, il mouille et on n'y voit rien. On scrute un horizon qu'on devine à peine et on attend une éclaircie qui ne vient pas.
 

Le matin, on longe un gros grain et le ciel est double face. Sur bâbord, il dégrade les gris, les bleus sombres, les noirs et la mer se pare de reflets argentés.


On dirait un paysage peint par un aquarelliste déconfit à qui on aurait piqué ses couleurs, un lavis sombre pourtant tout en nuances. Sur tribord, c'est bleu, pastel et paisible. Pioupiou qui avait réapparu à l'aube, grignoté tant que possible et chanté pas mal prend soudainement son envol. Il nous avait déjà fait le coup plusieurs fois, quelques battements d'ailes et il revenait déjà épuisé à bord. Mais là point de demi tour, le petit oiseau s'en est allé, et on lui souhaite de ne pas le regretter.





On est en eaux californiennes, la température de la mer a gagné quelques degrés déjà, et le soleil, enfin, se met à chauffer. Emmitouflés depuis le départ, on prend tous plaisir à la désape. Marcher pieds nus sur le pont est une libération. Le déjeuner se prend dehors sur le pont au soleil. 


Et les visites du jour sont tout aussi incroyables : des bancs de baleines encore, tant qu'on ne sait plus où regarder. On coupe le moteur pour s'approcher, mais pas trop, d'un couple de cachalots en surface. Et voilà que ce sont les dauphins, ces incroyables magiciens, qui viennent nous visiter. Ils sont quatre, dix, vingt cinq, plus encore. A chaque fois, j'ai dix ans et je rigole fort. Ils se détournent, approchent, jouent, filent, sautent. Il nagent de biais, un oeil en haut, pour mieux nous observer. 

Une demi heure avec les dauphins
Un groupe restera au moins une demi heure à nager à la proue, à faire route avec nous. Quand ils finissent pas s'éloigner, ils semblent toujours prendre le temps pour quelques sauts synchronisés qui sonnent comme des adieux officiels

Le vent est arrivé enfin, à 7h on envoie le spi qui se dresse tout en couleurs au dessus du soleil levant. Enfin le vent nous porte, quelle liberté. La mer se creuse en journée mais Image'in reste confortable même virevolté par des vagues qui se font montagnes. 





On a atteint ce matin la baie de Monterrey. Toujours la faune nous assaille; les souffle de baleines semble de geysers, pas si loin, les dauphins se ruent sur nous, les phoques ne nous regardent passer amusés. On est à quai dans un petit port, entouré d'éléphants de mer se dorant au soleil; ça pue mais c'est sympa. Lessive, réparations, douches, connexions, et zou, ce n'est qu'une escale, le grand large nous attend.


mardi 13 octobre 2015

Imagine Image'In


Voilà, dernier article avant notre grand départ. Pour cette dernière petite parution, quelques photos, de dedans, de dehors, histoire de vous donner un ou deux éléments pour mieux imaginer l'endroit, la maison de l'aventure.


Salut les otaries


270 m² de spi pour nous tirer vent arrière

le cockpit, lieu des apéros, cafés et repas

les fesses de notre cata

le bazar de notre cata ...mais la photo a été prise il y a quatre heure avec le soleil, maintenant c'est clean

une toute petite partie de l'avitaillement

photo prise depuis les toilettes, ensuite c'est la chambre, la cuisine, une chambre, des toilettes


la cuisine

notre chambre, il y en a quatre comme ça

encore accroché au ponton sur le " Siuslaw " à Florence, Oregon


Julie aime bien cette photo
vue depuis le haut du mât, à 26m du sol

le notre c'est celui à gauche hein



rien à dire


Voilà, on part demain, à dans un mois !

mercredi 7 octobre 2015

On a changé d'Amériques : quelques jours à San Francisco


San Francisco, on l'a chantée c'est sûr, autour d'un feu de camp sur une plage à marée basse ou en festival en cœur avec Maxime lui-même, tout égosillés après deux premiers jours de fête intensive.  On l'a chantée mal, faux, tard et j'espère qu'elle ne nous en tiendra pas rigueur. On l'a chantée et voilà qu'on va s'y jeter.


La quête d'un ricain disposé à nous ouvrir son canap est ardue. On jette un coup d'oeil au prix des auberges. OK, 60 dollars la nuit en dortoir, on oublie. Après quelques jours de recherche et une quarantaine de requêtes envoyées en couchsurfing, ça se décante. On rejoindra d'abord Aaron à Oakland en proche banlieue. Puis Jessica, dans le même bled.

SF nous offre bien des miracles : comment dans une ville si grande on trouve deux personnes pour nous héberger vivant à trois minutes à pied l'une de l'autre ? Comment il s'avère que dans ce même petit bout d'Oakland, on tombe sur une librairie qui vend des livres d'occasions en français pour une poignée de cents, véritable trésor avant de partir quelques semaines en pleine mer ? Comment je recroise encore ce copain en vadrouille aux chemins parallèles, que j'avais laissé la dernière fois en Equateur après de premières retrouvailles en Colombie ? Notre chance insolente et notre capacité à nous ravir de tout et peu doivent jouer dans la balance.


Tout fut intense et doux à la fois. Pas de rush mais tellement de rencontres. Du populaire et de l'underground. Et de jolies coîncidences.


Un énorme festival gratuit de bluegrass se déroule justement ce week-end là au Golden Gate Park, le plus grand parc de la ville. On commence donc notre approche Franciscaine par intégrer une jolie foule festivalière, hippie ou rockeuse ou branchée, il y en a déjà pour tous les goûts.




 





Ce même premier jour, ce musicien d'Aaron nous invite à une soirée concert au Red Poppy Art house, un lieu musical indépendant et autogéré qui me rappelle bien des squats de mes années parisiennes, bien des spots de mes mois new yorkais. 


 







Papy cubains à la percu au Red Poppy

On est à Mission, quartier latino où on se permet d'oublier de parler anglais.














Ce quartier souffre de l'arrivée des boites de nouvelles technologies, les tech crunch, les apps, les Google, qui repeuplent les quartiers populaires, offrent des salaires barbares à leurs employés, font monter les prix et entraînent l'expulsion de centaines d'habitants liés à ces quartiers depuis des générations mais plus en mesure de payer leurs loyers. Sur les murs s'affichent les visages de quelques explusés, ou délocalisés. Gentryfication sans frontières, de Paname à SF, tu nous cernes.

Une fresque en l'honneur des déplacés de Mission...

Le premier dimanche d'octobre, c'est la Castro fair, une journée de revendications se faisant fête, institutée par Harvey Milk, le fameux, dans le quartier gay de Castro. 

 






Un python en vadrouille au Castro fair day

















"La classe américaine"

Jamie dans une boutique de wok et de passoires
Le lendemain, on rejoint Jamie qui nous fait découvrir les rues du Chinatown dans lequel elle a grandit. Dans le "fortune cookie", le message m'annonce que je vais découvrir un trésor inattendu. Cet oracle m'enchante, c'est une vérité quotidienne.
 






Avec Jamie, une de nos belles rencontres de SF












 
Médecine chinoise à Chinatown

Fabrique de "fortune cookies", ces biscuits "fourrés d'une phrase enigmatique interpretable à souhait
 
Jo et Jamie examinent les prédictions de leur cookies


On s'offre quand même du vrai tourisme pour notre dernier jour, on grimpe sur un tandem et on pédale en cadence le long de la côte jusqu'à traverser cette star de Golden Bridge, en vérité bien plus plus rouge que doré. 











C'est bien un tandem : Jo dirige et moi derrière, je pédale, je ferme les yeux, je tend les bras et ça y est je vole ! 



On oublie le boucan du passage incessant des voitures qui fon résonner toutes les articulations du pont, on se concentre sur ce qui est bon, cette descente sur Sausalito pour prendre le ferry de retour, les cheveux dans le vent, l'odeur des pins.


Une autre effluve parfume aussi nos errances. C'est comme une rengaine qui revient régulièrement, sans laisser le temps de se faire oublier. A chaque block, dans le métro, dans la rue, on remue les narines et on sourit : ça sent encore l'herbe.
La Californie a légalisé la marijuana sur prescription médicale, et sa consommation est donc plus que tolérée. Alors à l'automne en Californie débarque une étrange transhumance, celle des voyageurs qui viennent chercher du boulot dans les fermes de marijuana. On les appelle les trimmigants, ceux qui viennent pour le "trimming" de l'herbe. Sans véritable plans, les employeurs se faisant discrets, la technique est d'aller rôder dans les villages de la Grass valley pour tenter de trouver des fermes qui auraient besoin de main d'oeuvre. C'est une autre ruée, vers un or, vert cette fois, et le mythe est fort : certains espèrent gagner jusque 700 dollars par jour, en bossant 15h par jours, 7 jours sur 7, pendant quelques mois.
 



Aaron à l'accordéon, Dani aux bolas, devant la maison à Oakland
Ca c'est San Francisco, la ville, la belle. En deux coups de BART, on s'en échappe, vers Oakland où Aaron nous reçoit dans un cabanon avec jardin qui fait oublier la mégapole tout près. Il sort l'accordéon, on danse ? 

Les petits dejs se prennent dehors, les premiers rayons du soleil assaillent la fraîcheur des matins d'automne, les vapeurs de café du Costa Rica se répandent dans le jardin. 









 











Puis on migre chez Jessica à deux pas, encore un cottage, un joli personnage, des rires tonitruants, une soupe chaude avant le départ et un ride jusqu'à la gare.
On repart, encore. Suivez-nous.