dimanche 28 février 2016

North West Circuit à Stewart Island : " You should " ... sacrée cuisine



Stewart Island c'est une affaire de p'tits gastronomes, de gens qui ne sont pas prêts à négocier avec les saveurs. Sans avoir nécessairement d'exigences démesurées ceux là ne mangent pas juste pour contenter leur faim, ils cherchent du délice. D'ailleurs on est probablement bien tous un peu gastronome dans quelques domaines de la vie non ? Alors quand ces fines bouches se mettent aux fourneaux, elles traitent l'ingrédient avec délicatesse, pour qu'une fois entre les dents il vous régale et vous emporte. Un peu à la manière d'une belle partition joliment interprétée.


Va-t-on les voir ces cornichons de Kiwi ? On y prendra garde.
Nous, nous n'étions pas prêts à sacrifier Stewart Island de quelque manière que ce soit, ni en y renonçant, ni en la gâchant. Nous étions bien curieux d'aller au plus sud du sud que nous n'ayons jamais été, mais nos précédentes expériences nous ont bien montré que pour un plat réussi, il faut la juste cuisson et l'accompagnement adapté. 

Alors quand tout le monde raconte que ce foutu circuit de dix jours au milieu de nulle part est complètement boueux et que la météo est imprévisible vous vous dites que cuisiner bien gras avec un four intempestif risque de ne pas régaler votre appétit de saveurs et douceurs.


On tente quand même un coup de fil au Saint Esprit pour la météo, pas de réponse !








Au départ de chez Bob, timidement, nous prenons tout de même la route du sud. Au détour d'un point de connexion wifi sur le parking d'un super marché "New World", la météo semble moins capricieuse pour les cinq prochains jours. Au croisement d'un regard complice nous prenons nos places de ferry, les deux dernières disponibles ; nous partons demain pour Stewart Island. Au fil de la route nous abandonnons définitivement l'idée du North West Circuit et ses 125 km, aucun doute, sûrs de nous, et retenons plutôt celle de la Great Walk en trois jours, bien convaincus de notre choix.


Un air de Caraïbes par moments

On confie notre Blueberry (entendez notre p'tit van, mais plusieurs trucs à bord commencent à avoir leur nom) à un parking payant, et on embarque sur le ferry. Le vent nous décoiffe, il blanchi la mer, ainsi que la frimousse de quelques personnes à bord. Mais aussi il donne aux albatros quelques belles vagues à surfer. Ils glissent dans les bourrasques, sans un battement d'aile, nous accompagnent par moments, cadeau ultime de cette traversée.



" Et le répulsif, il est bien dans le sac hein ? "
On débarque, on récupère nos sacs, et on s'avance vers le bureau du DOC (l'excellent Department Of Conservation) pour glaner quelques infos. On explique au gars qu'on aimerait réserver notre place (c'est obligatoire, Grrrrr) dans les campings pour la Great Walk : "complet". Il faudrait se presser pour enchaîner des étapes et boucler plus vite que prévu, très peu pour nous. Ah, Bon, Ben, Heeuuuuu, "Mais sinon vous savez il y a le North West Circuit" qu'il nous dit ... oui, ça on sait, merci, mais nous pour cuisiner un truc pareil, pour en tirer tout le bonheur possible, il nous faut une recette démente, et personne ne nous l'a donnée, aucun avis positif, juste des "very muddy". Traduisez "très boueux" ou "bien trop gras" dans notre référentiel culinaire. Et ce gras, là, vous savez ce qu'il nous a sorti ? Et bien un souriant : "You should". Ah, et bien voilà quelqu'un qui nous encourage ! Après deux trois infos bien importantes (on le comprendra après et donc trop tard), que l'on oublie sans délai, il nous souhaite bonne chance. Il est 13h, juste le temps d'acheter 6 jours de plus de nourriture, d'envoyer un message heureux annonçant notre déconnexion des réseaux pendant les dix prochains jours, et nous voilà parti une bonne demi-heure plus tard pour notre première étape de 8h.


Notre merveilleux four à chaleur tournante fait courir devant nous l'ombre des nuages, délicieux.


Un bonheur de calme

Arrivée au premier lieu de bivouac juste avant la nuit, pas trop fatigués, les yeux déjà remplis des bleus des plages rencontrées, et des verts de la forêt traversée. Nous doutons tout de même un petit peu de la véritable originalité des paysages que nous devrions rencontrer. Chaque jour, différent ? En effet chaque jour nous offrira sa petite variété. On apprend à faire confiance à la nature, à attendre sagement en marchant l'ingrédient inattendu. Celui qui rendra le plat du  jour autre que celui de la veille.




Une plage ici c'est une dune qui se jette dans la mer


Non, celles là elles sentent rien, elles chatouillent juste !

















Une envie de tout embarquer, de tout embrasser, les couleurs, les souffles et les sons




Une petite pluie parce qu'elle a envie de sortir cette veste de quart













 

Tu crois que ça souffle ici des fois !

Pendant cette jolie promenade d'une bonne semaine il y a toujours un rythme sur lequel marcher.
Au fil de la marée on mouille les pieds.
Au fil des bourrasques on s'évade dans nos pensées.
Au fil de notre souffle on adapte nos foulées.
Au fil des trous de lumière on s'extasie dans ces univers contrastés.

On assiste à un défilé.



Impeccable le bois mouillé




 On s'est gardé nos tickets de hutte pour les dernières nuits. Pendant 5 jours on ne voit pas une seule personne, déconnexion totale.







Encore personne pour nous tirer un p'tit portrait alors on se débrouille.
Jojo au milieu des dunes, bientôt à la cabane.

Juju sur la bonne voie. Suit les bouées, t'es bientôt encore sur une plage !

Un p'tit carré après tes nouilles mon amour ? Oh oui volontiers mon cher.



Au fil des jours la logistique se rôde. Dans la tente le cookie du matin délicatement imbibé dans la cup of coffee lyophilisé accompagne à merveille le porridge et le thé. Une barre de céréales aux trois chocolats et fruits piochée au hasard dans le sac (verdict à l'ouverture, bien plus souvent abricot que fruits rouges) nous redonne le p'tit coup de fouet qui va bien pour nous porter au tout début d'aprèm. A peine les sacs posés que  l'eau destinée aux noodles frémit déjà. Clôture de cette pause par un café et un carreau de chocolat 70 pourcent de cacao. Une deuxième barre de céréale sonne la dernière ligne droite vers la soupe d'arrivée au camping. Et le soir c'est Byzance, un bon plat lyophilisé ou couscous nous souhaite bonne nuit.

Une dune perdue sur un col à 220m d'altitude dans la forêt


Et puis il y a aussi des moments comme celui-là. La recette est un peu naze, on se goure dans le temps de cuisson, on ne met pas assez d'épices de peur que ce soit trop piquant, et du coup :
Alors on attend que la mer se retire, emmitouflés pour éviter les attaques de sandflies
la marée ... y'en a marre !
On attend, on explore, on se fait attaquer par les sandflies, on se fait un thé, on se décide, on s'égare, je râle ...

mais on s'aime !

En en appréciera d'autant plus le posé final du sac le soir venu.



Des fois y a de l'eau jusque là, alors là tu te refais dans l'autre sens tes 2h de marche sans réfléchir.







Encore un de ces trucs qu'on a trouvé trop joli sur le moment et puis qui rend plus pareil sur l'écran.




Un bon gros régal au milieu de cette avant-dernière journée. Derrière nous, 6h de marche. Devant 5h. On arrivera avec encore du soleil.

Il est bas, mais il est là. Camping succulemment illégal. Instant caché, régal volé. 

Des reflets à s'en interroger sur le sens de l'image











Retour à la civilisation,
on est averti.















Retour à la civilisation,
on se réjouit ...

le burger, pizza ou fish and chips est proche !

Ah bah oui, il est là. Ça sera veggie-burger au fish and chips ! Juste dément, énorme régal.

Allongé dans l'herbe, les muscles nous remercient encore de la cessation d'activité.
Poursuite du délice dans la baie face à l'océan. 
Julie se raisonne, et moi je craque, à en oublier même que dans 2h on a un trajet en ferry potentiellement anti-digestif qui nous attend. Trop tard, j'en suis à ma troisième tasse de café et au moins 20ème carreau de chocolat. Trop tard, mais trop bon.

L'épaule de ma douce est un fabuleux accueil duquel j'émerge une heure plus tard au moment du débarquement.

jeudi 18 février 2016

Reprise de marche : Julie à la montagne

...ou les tribulations d'une bretonne en milieu alpin austral

28 jours de mers sur un cata de dix-huit mètres avaient suffit à bien dégonfler nos guibolles. C'est que les options d'aller se les dégourdir au beau milieu de l'océan sont plutôt limitées. Les premiers 500m aux Marquises ont été une épreuve de force, le corps ne comprenait plus cet enchainement de pas tendant vers l'infini. Et si la Polynésie n'est pas vraiment terre de marche, la Nouvelle Zélande est sublime tentation. Il y a mille paysages à aller explorer à pieds, et un service public super efficace niveau rando, carto, meteo (le DOC). 


 Pour ceux qui n'ont pas la chance de connaitre l'animal, il faut que vous sachiez que Jo est aussi montagnard que je suis de la mer, voire pis. Pour ceux qui ne me connaissent pas, il faut savoir que la dernière fois que  je suis montée sur des skis remonte à la classe de neige en 5e. Il y a donc un monde entre nos deux univers, qu'on prend plaisir l'un l'autre à défricher lorsque l'occasion se présente. Ce qui soupoudre de burlesque bien des situations. 

Etape 1 - charger la voiture
  Alors on a repris tranquillement la marche, bien loin de nos performances péruviennes (voir nos grimpettes sur l'Ausangate au Pérou l'an passé). 
Par une balade en famille d'abord  avec la tribu de Tim et Phaedra (qui nous ont hébergé une semaine à Greymouth contre un peu de boulot, beaucoup de partage, d'écoute et de magnifiques moments). 

"The Ballroom", sur la Fox River, est Coast, South island
Avec eux on s'embarque pour notre premier bivouac aux Antipodes, sous un abri creusé par des milliers d'années de passage de rivière. On découvre aussi  le sport national en rando : le "river crossing".

 

Puis on se prévoit une semaine de break entre deux expériences woofantes. Une semaine pour partir sac au dos explorer  davantage. Et déjà dès la prépa du sac, j'ai tout à apprendre.
Blueberry, Jo, et tout ce qu'on a prévu de rentrer dans nos sac-à-dos pour 4 jours de marche sur le Gillepsie Circuit
Avant de partir, frais, vaillants et confiants
Après quelques heures de marche, un peu moins de tout ça...

C'est quand même de drôle d'aventures que ces remontées de montagne. C'est pas banal de grimper ces machins. Moi avec mon pied marin, je fais plutôt dahut dans cet environnement de cailloux. J'y met quelques repères de mers, et voilà qu'au sommet on croiserait des amers.

C'est une balise, non ?
et là c'est un aileron
Ici une figure de proue
Et une ici encore

J'ai pas toujours le pas vaillant, équipée pour un bivouac haut perché, ça fait une belle prise au vent. Mais le plus usant pour une néophyte salée reste cette manie de montagneux de constamment descendre pour mieux remonter. Tu arrives en haut d'une côte qui t'a arraché ton dernier souffle et tu vois le chemin tranquillement redescendre. Mais pas moyen de te réjouir, il remontra de plus belle et de plus raide quelques centaines de mètres plus loin. Et on aura le souffle trop court pour maudire les ingénieurs des sentiers pour l'absence d'ouvrages d'arts et de remontées mécaniques. 
 "mais faut encore grimper tout ça !"


"Tu crois qu'on se couvre ? Sur le bord d'après,on aura le vent de face."
Il y a pourtant tant en commun. Cette dépendance aux éléments qui fait qu'une rando tranquille devient épreuve de force sous des "heavy rains" et autres "strong gales". Ce fait de ne pas foncer tout droit vers un but mais de devoir louvoyer pour pouvoir l'atteindre. Ces crètes qui nous dominent, d'écumes ou de rocailles. Je m'égare à les nommer "arrêtes". Je m'en sors d'une pirouette peu vaillante sous mes kilos de sacs "d'toutes façon, les crêtes, c'est pour les punks".  



N'empêche que dans nos rêves haut perchés, on a croisé des balises, des requins et des figures de proues. Comme si la mer avait monté, comme si on voguait à bord de notre tente, chambre avec vues interchangeables à l'infini. La montagne aussi, ça vous gagne.

Bienheureux une fois en haut

Impression incroyable d'épanchement Daliesque : cette photo est bien horizontale, mais on croirait que le monde penche à gauche...
Bivouac au dessus de Wanaka, sur la skyline track après le Roys Peak Mount et le Mount Alpha



BONUS : le climat en Nouvelle Zélande est sujet à des variations très fréquentes et rapides. Ce qui offre aux marcheurs l'occasion de déballage intéressants pour sécher le bazar

au retour de notre tentative avortée de passage du Gilllespsie pass
A Wanaka, une fois redescendus et rentrés en stop de notre aventure sur la skyline