samedi 4 juillet 2015

Punta Gallina, la plus Nord du Sud

Le bout du monde, on a été le chercher. On a sauté avant que le soleil ose commencer à brûler le désert dans une jeep blanche immaculée, intérieur cuir impec, immatriculée au Venezuela. Le hasard fait que les trois autres passagers du véhicule en partance sont trois français, eux aussi mochileros au Long-cours. On se rappellera encore une fois que le monde est tout petit en découvrant que l'un d'entre eux est le bon pote d'un bon pote, et on trinquera à la santé des copains restés aux pays.



5h passées, le soleil émerge enfin, déjà ardent, et colore notre traversée du désert. Trois heures de piste, un tour en bateau dans la mangrove, et on atteint notre but à tous : Punta gallinas (la pointe des poules), le point le plus Nord de l'Amérique du Sud. 





Pour Alex qui fait partie de notre équipée et a commencé son voyage trois ans à Ushuaïa, tout au Sud, cela prend une importance particulière : il a donc vraiment traversé ce bout d'Amérique du Nord au Sud. Sans avoir enchainé autant, j'ai toujours aimé les bouts du monde. En voilà un de plus.







le phare du bout du monde


Un phare qui ressemble à une antenne radio, une dune tombant sur des plages désertes, et la poussières, du sable, et des cactus. Un cochon qui court après notre voiture, affublé d'un drôle de collier : c'est un cadre en bois, comme un piloris, pour l'empêcher d'aller s'empêtrer dans les cactus et autres plantes qui pique davantage. En journée, les enfants dressent des barrages pour stopper les bagnoles de touristes : ils tendent une ficelle du haut de leur petite taille ou dressé sur un piquet. Le tarif est souvent un paquet de chips ou une pièce. Notre chauffeur leur promet qu'il ramènera des chips demain, là il n'a plus rien, les petits va-nu-pieds baissent la garde.

et dans ces km de poussière, des apparitions

Vache songeuse, le regard sur l'horizon




inspection du sable du bout du monde



toujours ce vent qui décoiffe


le Sahara ? Non, la Colombie, presque le Vénez'









On est au bout de quelque chose, qui n'est pas une frontière, rempart illusoire tracé par l'homme et ses peurs, mais la limite d'une terre, les derniers bouts de sol avant la mer. On est heureux de fouler ce bout, son sable, sa poussière.
 

Vers un autre bout du monde : Cabo de la Vela

On a sauté dans des bus, des voitures, des jeeps, vu défiler des kilomètres de piste, de côtes, passé des terres desséchées à celles plus tropicales, puis le contraire, traversé la Guajira d'Ouest en Est, mais au final, ce qu'on voulait c'était le désert.

Une journée après avoir quitté Santa Marta, une dernière jeep lèvera la poussière pendant 2h et voilà qu'apparaît au milieu du grand rien un village planté en bord de mer : Cabo de la Vela, le cap de la voile.

Ce village, c'est d'abord le point d’atterrissage des véhicule qui traversent le désert, essentiellement des gros véhicules tous terrains, et des camions qui transportent gens et matériel. Cabo, c'est la fin du chemin, ou presque. La piste traverse le village, suivant la mer, et les bicoques sont construites de part et d'autres. Aux abords du bled, une jungle aride où semblent fleurir les déchets plastiques coincés dans les cactus par le vent incessant. Il soulève poussière et sable du désert, il souffle sans répit et doit être épuisant.




On se met à l'abri dans la première baraque, toute bleue, Cabo del Mar. La dueña loue des chambres, des hamacs les pieds dans l'eau pour une bouchée d'arepa et fait resto. C'est là qu'on s'installe, trop heureux de trouver un abris, de l'eau fraîche et un accès direct à la mer.










Florence lit dans sa chambre















Des déserts, j'en connais peu. On pourrait dire que l'océan en est un, avec cette même capacité d'attraction et de vertige qui m'avait surprise dans le seul autre désert où je me suis aventurée : le salar d'Uyuni, le plus grand désert de sel du monde, plus de 10 000km2 au sud ouest de la Bolivie.

La Guajira, ce département le plus nord est de la Colombie, se termine par un désert parfaitement hostile et inhospitalier. Rien ne peut pousser, et c'est à se demander ce qu'y font des Hommes. On dit qu'il n'y a pas plu depuis 3 ans. Quelques vaches maigres, des ânes, des chèvres broutent la curieuse végétation qui parvient à pousser dans cette terre à l'air de poussière. Cactus essentiellement. 

Le peuple indigène Wayuu qui y vit depuis le XVIe siècle y avait trouvé refuge aux temps des invasions espagnoles, et on comprends que les colons aient renoncés à investir de bout de terre entre la Colombie et le Venezuela. Ainsi les Wayuu ont il résisté à l'envahisseur, et résistent ils encore au diktat des frontières, vivant sur un territoire à cheval sur deux états.


Le tourisme qui s'est développé ces dernières années a permis aux Wayuus de développer une nouvelle source de revenu : la vente d'artisanat. Toute la journée, femmes et enfants errent dans le village de Cabo tentant de vendre mochilas colorées et bracelets aux quelques touristes s'étant aventurés jusque là bas. Leurs sacs sont revendus au prix fort dans les boutiques de souvenir du pays, deux à trois fois le prix d'achat auprès des artisanes.









On a beau être au bout du monde, ou pas loin, il y a des choses auxquelles on n'échappe pas. La Copa de America a débuté au Chili et les Colombiens sont passionnés par leur équipe de foot. 
Aussi dans le bar du village qui a le plus grand écran, il y a foule ce dimanche aprem pour le premier match de la "seleccion". Des colombiens en vacances engoncés leur maillot national jaune vif aux locaux du village, des quelques gringos mochileros et kitesurfer venus prendre le vent à Cabo aux enfants Wayuu qui en oublie presque de démarcher pour vendre leus babioles, tout le monde est là. Ce match est un peu particulier : la Colombie joue contre le voisin vénézuelien, et la frontière est à quelques dizaines de kilomètres à peine. On boit de la bière vénezuelienne au lieu de l'Aguila traditionnelle, pourtant sponsor officielle de l'équipe nationale. Mais les cris encouragent bien la Colombie. 

fresque du bar à foot
Le Venezuela gagnera ce premier match, et quelques venezueliens expatriés à Cabo planqueront leur joie.

Flo, moi et l'une des supportrices les plus en beautés
Dernier soir à Cabo. Malgré la défaite de la seleccion, le bistrot du bout du village a sorti des spotlights dignes de la meilleurs discothèque de Fougères. Le bar est en fait un comptoir en plein air, où on peut commander bières vénézuéliennes et des empanadas frites dont l'odeur embaume et engraisse les environs. La piste de terre battue par le vent est occupée par des couples dansant la champetta, sorte de zouk plus explicite encore sur des musiques aux paroles au tout aussi démonstratives. On danse en famille, entre amis, collés serrés, ce perreo galactico ( comment traduire ça ? « chiennerie galactique »). Nous on sirote notre bière qui dès les premières gorgées se trouble de sable, on compte les quelques étoiles et on va rejoindre nos hamacs pour une dernière nuit suspendue au dessus de la mer tandis que Cabo continue de palpiter aux rythmes mêlées du concours de sonos, typiques aux nuits sur la côte colombienne....