Parenthèse contextuelle :
Il parait qu’on est dimanche soir. Je n’en avais pas la moindre idée. Je vois bien les journées et les étapes qu’on s’emploie à y mettre pour leur offrir un rythme. Je vous raconterai un de ces jours. Mais ça ne s’inscrit tellement plus dans un contexte binaire travail/week-end que le temps semble moins cyclique. Le temps se détend. Les journées s’enchainent, le temps se déroule, au fur et à mesure, qu’on avance. Ou bien, peut-être le suit-on. Maintenant que j’y pense, ça me semble très lié, très logique, le temps qui passe, le bateau qui avance. C’est sûrement cette impression incroyable dans un voyage d’avancer vraiment, sentiment peut-être d’ailleurs illusoire, qui donne son sens au temps.
Voilà tout ce que je sais :
Nous sommes sur bouée sur l’île de Cabrera, au Sud de Majorque. Cabrera c’est l’île aux chèvres, à côté de Conejera, l’île aux lapins.
Pour l’heure, je dirai 4 h après le coucher du soleil, à vue de nez. En tous ca, on a eu le temps de temps de boire l’apéro, de faire des crêpes, de les manger, de discuter un peu sous les étoiles
On est arrivés juste avant la nuit, pas encore mis pieds à terre. La traversée à été plutôt agréable malgré la pétole. La pétole, c’est quand y’a pas de vent. Voilà deux jours qu’on avance au moteur. Hier encore, les voiles aidaient un peu. Aujourd’hui, néant.
Abalone est lourd de nos trois poids, des réserves en bouffe, eau, carburant. On se traîne un peu, et sans vent de toutes façons, on est cuits. On a rencard à Tanger début octobre pour récupérer des équipiers. Pas le choix donc, il faut avancer.
Depuis Fornells, nous sommes passés à Mahon puis on a traversé vers Majorque, la plus grande île des Baléares.
En quittant Porto Cristo à Marjoque, c’était carrément une mer d’huile. L’espression convient à merveille : pas le moindre souffle pour rider la mer. C’est bleu, brillant, lisse. C’est étrange toujours de rompre ce calme absolu en passant à travers, comme si on fripait de la soie. Ça devrait être le temps idéal pour tenter d’observer des mammifères, mais rien à l’horizon non plus, à part un dauphin passé sans se détourner au large de Majorque.
Autant dire que les traversée au moteur par ce genre de temps, les mousses sont au chômage technique. Pas grand chose à faire, part regarder devant pour être sur que pendant qu’on se la coule douce, Abalone ne fonce pas droit sur une embarcation aussi relax que nous, ou même juste un casier de pêcheur qui risquerait de rompre notre ligne de traîne (plus de touche depuis le thon fuyard, malgré un nouveau matériel ambitieux et clinquant que Pierre vous présente ci-dessous avec enthousiasme). On range, on nettoie, on rêve, on pense. Et je prends quelques photos, tant qu'on n'est pas trop secoués :
Cette île, Cabrera, où on passe la nuit est une réserve naturelle. Elle a eu plusieurs vies avant : poste de défense contre les pirates, lieu d’enfermement des prisonniers français pendant les gueurres napoléonniennes… L’Espagne l’a rachetée en 1915 et ce caillou devint lieu d’essai de tirs. Depuis 1991, c’est une zone protégée. On a du réserver une bouée en amont auprès du Parc naturel. Le seul lieu de mouillage autorisé de l’île est limité à 50 bateaux en été. On n’est pas une vingtaine ce soir. Pas de lumière sur cette île peuplée juste de quelques militaires et quelques bergers. Un ciel incroyable. Dans cette baie si calme où l’on se sent si bien, seuls troubles la nuit des rires venus des quelques bateaux à côtés. Quelques chants parfois aussi. Et les cris audacieux des plus aventureux qui se lancent dans un bain de minuit. Je me tâte encore. Après tout il est presque minuit….
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire