mercredi 10 juin 2015

Mercio McNish, collecteur et collectionneur de couleurs

Mercio Mcnish, chez lui


J'avais déjà remarqué cette baraque de béton brut dont les barreaux aux fenêtres contrastent avec la guirlande de seau de plage en plastique multicolore suspendue à l'entrée. 
Mais par l'encadrement de la porte, j'avais vu une moto à l'intérieur. Ici on rentre la moto dans la maison avant de fermer et d'aller se coucher, alors je n'avais pas insisté. 


Un matin, trop occupée à prendre des photos des différents combos de brochettes de gens motorisés, je loupe le bus qui doit me mener vers « El centro ». J'avance donc à pied, tranquillement, le long de cette route qui elle longe la côte. Je repasse devant la maison, la moto est devant. Je traverse, prend quelques photos de l'extérieur quand un vieil homme barbu apparaît : « Pasa señora pasa », Quel lieu incroyable, je peux prendre des photos ? « Bien sûr, allez, entre donc ». 

Il sort chez lui pour me laisser entrer, la pièce principale, dont les murs sont entièrement recouverts d'objets en plastique, n'est vraiment pas bien grande, et les éléments de ce décor surchargé allient leurs efforts et effets pour la faire paraître encore plus étroite. 











Une porte au fond donne sur un couloir, une autre sur une chambre, derrière un simple rideau. C'est dans cette chambre du genre aussi capharnaüm que Mercio ira chercher, sous son matelas, des dossiers d'articles découpés sur sa carrière de softballer, et de photos anciennes de sa famille. C'est aussi par là qu'il cache son revolver, "tout petit, pas plus grand que ma main", qu'il n'a pas touché ni entretenu depuis des années, mais qui repose au chaud, à portée de bras.

 


Mercio a commencé cette drôle de collection de brics et brocs colorés il y a des années, récupérant des objets échoués ou jetés. On retrouve ces deux sources de déchets déjà croisés, ceux des îliens, ceux que la mer draine. Les gens ont pris l'habitude de lui ramener des choses cassées, trouvées, abandonnées. Il a bossé dans un atelier pendant une dizaine d'année, a appris à tout réparer. 

 La pièce est notamment couverte d'horloges toutes plus kitsch les unes que les autres, et toute indiquant la même heure. Il y tient particulièrement car chacune d'entre elle a été réparée par ses soins après avoir été trouvée dans un recoin de l'île. Il en avait dix-huit en exposition, il y en a moins maintenant, il en a enlevé car ça coûte cher en piles.


 Mercio a été sportif de haut niveau ensoft ball, des coupures de presses vantent ses talents. Puis il a travaillé avec les enfants, en tant qu'éducateur sportif. 
Il est très pessisimiste sur les jeunes iliens d'aujourd'hui, qu'il dit voleurs et fumeurs de marijuana dès minots, 10-12 ans. Il se verrait bien encore travailler avec eux, à son âge, et à travers le sport, leur apporter des valeurs que les familles n'apportent plus, mais la gouverneure de la province ne lui propose pas de travail, alors qu'il la connait depuis toute petite « je réparais sa machine à écrire, et gratuitement en plus. J'ai toujours fais ça gratuitement pour les enfants ».



C'est pas un musée, c'est bien sa maison. Pas de droit d'entrée, les gens demandent et entrent. Mercio aime cette curiosité sans frontière qui poussent les gens dans sa tanière.On discute une petite heure puis je m'échappe. Je lui promets de revenir avant de partir. Je lui ramènerai des piles...






Mauricio, improvisateur de vérités et vrai guide improvisé


Mauricio devant la lagune
Alors que j'attends mon bus de retour, un rasta motorisé s'arrête. Oui, je vais à San Luis, tu m'amènes ? Mais je paie pas, hein ? C'est parti pour une nouvelle rencontre incroyable.  



Mauricio, son bonnet aux couleurs de l'Ethiopie vissé sur la tête (ici c'est le pays du scooter mais pas du tout celui du casque, je n'en ai pas vu un seul, chaleur tropicale oblige) a décidé de me faire visiter son île. 
 
« Tu connais Manu Chao ? J'étais son manager ». Mauricio parle et parle tant, et je ne crois pas à beaucoup de ses histoires. Son cousin travaille au FBI, son frère aux UN (qui sont deviennent les États Unis dans l'histoire suivante). Lui est un VIM (pour Very Important Man), il a trois maisons, a possédé la moitié des bars qu'on croise, a construit de ses mains des piscines naturelles sur la côte pour son ancienne fiancée tchèque... Mauricio va être président, de cette île qui n'a pour l'instant qu'une gouverneure. Déjà, les gens puissants s'en remettent à lui. Ses conseils sont précieux "Love is the answer, sister".

« Il y a des poissons énormes dans la mangrove. Et tu sais un mec qui plongeait à Providencia (l'île d'en face) avait disparu. Et quelques semaines plus tard, des pêcheurs ont pêché un de ces poisons énormes, et quand ils lui ont ouvert le ventre, ils ont trouvé le plongeur entier, avec tout son matériel. Si si, il y a des poissons qui aspirent comme ça, et peuvent te faire disparaître. C'est pour ça qu'il ne faut jamais se baigner seul. »

Je ne crois pas grand chose mais j'aime les histoires, j'acquiesce en riant. Il a grandit ici et semble connaître tout le monde. Voilà qu'on se balade, s'arrêtant à chaque baraque où il rencontre un cousin, un frère, une amie... Les rastas sont très nombreux, et il les connait tous, il les salue d'un « oyoooo » grave. 








L'île est toute petite, mais on s'arrête peut être 20 fois. Il m'emmène voir les lacs dans la mangrove, le quartier de la Loma et la première église baptiste, la lagune et ses crocodiles, la piscinita, un arbre-antre incroyable qui a malheureusement été en partie détruit par un ouragan mais résiste encore, tous les lieux touristiques du coin, et la maison de sa mère. 

Il doit faire ça souvent, personne n'a l'air surpris de le voir trimballer une gringa à l'arrière de son scooter.

"Tu sais, quand je t'emmène comme ça, tu devient une Very Important Woman"

Mais il finira par me déposer à la plage près de chez moi, où je veux prendre un bain avant la nuit, sans un geste déplacé ni me demander un centimes.

Retour en Caraïbes : isla de San Andrés, un bout de Colombie au large du Nicaragua


 
J'avance souvent au coup de tête, et je me sens vraiment bien dans ce genre de dynamique impromptue. C'est comme ça que je me suis retrouvée sur l'île de San Andrés, au large du Nicaragua, après m'être laissée tentée par un billet barratissimo (1) la veille pour le lendemain. Je savais pas trop où je m'embarquais. C'est une île, il y aura la mer partout, c'est le genre de donnée qui suffit à mon bonheur.







Dans le vol low cost au départ de Bogota, l'ambiance était hyperdétendue. Quasiment que des colombiens, s'offrant un week-end dans une île de rêve. Deux applausos, des sourires qui montent, on sent une impatience d'arriver, qui se change en apparente joie.

Je savais bien que je repartais vers les Caraïbes, mais je n'imaginais pas que San Andrés ressemblerait autant aux Antilles que je connais. 




Une arrivée. La chaleur assaille dès qu'on échappe à la clim de l'aéroport. Il fait nuit, l'air est lourd, et c'est très agréable. A peine sortie du petit aéroport, les chauffeurs de taxi sont à l'affut proposant leurs services. L'adresse de ma posada ne dit rien à un premier, qui me propose tout de même de m'y emmener. Je décline espérant trouver un bus, puis un meilleur prix. Un autre se démène pour trouver des infos sur la localisation exacte de cet endroit, mais sa connexion peine et il n'arrive à rien. Il me propose de m'emmener pour le même prix que le précédent. Mais lui je le sens bien, je le suis. C'est un taxi clando pourtant, mais je ne fais tellement pas confiance au genre taxi en général que je ne vois pas en quoi un clandestin serait pire.


El señor Loren m'emmène donc dans son vieux cabriolet noir vers le quartier de San Luis, à 7km du centre de San Andrès où se trouve l'aéroport. « Je pensais bien que tu étais d'Europe, j'ai eu une novia suisse, elle parlait espagnol comme toi. - Ah mon copain est à moitié suisse  - Alors on a déjà un point commun »
Comme aux petites Antilles, ça drague sec. Ici on "coquetear". Ca sonnerait joli en français, "coquetter". Je suis donc de retour dans ces terres où les hommes offrent des fruits aux femmes. Depuis notre débarquement de Transat' à Sainte Lucie et les premières bananes et goyaves proposées contre un sourire, c'est une constance en terre antillaises. En tant que voyageuse en quête de vitamines, cet aspect là me plait assez. Et hop, voilà déjà une mangue pour le petit dej' demain.


Loren a tendance à déraper vers l'anglais en cours de phrase, il me demande si je le parle. Je me dis qu'il doit avoir appris à force de fréquenter les gringas, et lui dit que je préfère l'espagnol. Je ne comprendrai qu'après avoir rencontrer le dueño de ma posada, qui lui ne parle qu'anglais : la population native noire parle anglais. 

Première surprise et troisième changement de rythme radical depuis mon retour : après une semaine hispanophone intense, et une semaine entourée de musiciens et cultureux français, voilà qu'on va reswitcher. L'anglais se tinte d'accent créole, à la jamaïcaine. Mais ici, la langue créole est d'origine anglaise, alors que dans les îles anglophones au Sud de la Martinique, le créole est français. Faut suivre...



On longe la côte, et je devine la mer derrière les rangs de palmiers, quelques bouées du chenal sont mes étoiles polaires, quel bonheur, ce vert, ce rouge qui clignotent comme à la maison. Tous les chenaux sont un genre de maison pour radeaux vagabonds. Il fait nuit mais je sais que l'horizon n'est pas loin, les bateaux non plus. Mon sourire grimpe.




Premier matin sanandresino. Réveil à l'aube aux coqs dans une chaleur déjà moite, ça madeleine dans mon corps, je suis vraiment de retour aux Antilles.



Je suis la petite route pour faire quelques courses à l'épicerie. Les gens saluent, en anglais, sourient.On voit au bout des petits chemins quelques unes des ces sept couleurs qui caractérisent, à en croire les prospectus, la mer d'ici.

Littoral crassou
Et incitation à faire des efforts
 Certains bouts de côte de sont que coraux morts se jettant dans le turquoise. En suivant la route un petit quart d'heure, on tombe sur la plage de sable blanc de Jhonny Cays (se prononce Joniki). 


A part sur ces plages, nettoyées, la côte est dégueue, comme déjà à Capurgana il y a quelques mois. Des poubelles de tris ont été posées sans que cela puisse changer les habitudes d'une population pas forcément consciente que la mer ne fait pas tout disparaître. Certains pourtant tentent d'alarme, construisant des totems en déchets, gardiens recyclés de ce littoral croûlant sous le plastique.


 


Rocky Cay et sa vieille épave qui se dézingue
Ce qui surprend au delà de ce bleu, de ces bleus, aux allures paradisiaques, ce sont les épaves qui rompent l'horizon. On en compte trois de ce côté là, échouées sur la barrière de corail. L'un des petits cargos pris au piège rouille depuis 40 ans près du petit cayo de Jhonny cay. 
Ces sentinelles semblent prévenir les arrivants du danger qui guette, mais cela ne suffit pas. Le plus récent se serait échoué début avril, et pas sur que tout la cargaison ai déjà été récupérée. Comme toujours dans ces cas là, chacun se rejette la responsabilité, jusqu'à ce que la carcasse cède et que tout ce qu'il y reste passe à la baille. 

Rocky Cay et son épave, puis au second plan Johnny Cay, et une autre épave, la plus récente


De celui ci, seuls sont émergés la poupe et la proue



Vendeuse ambulante de donuts au dulce de leche, pas vraiment dans le dress code
Je passe une journée intensive : lecture, baignade, lézardage. 
Sur la plage, au bord de l'eau, une cérémonie de mariage en blanc pour de surement riches colombiens du continent sera le premier mariage religieux auquel j'assisterai (non, mes copains ne sont pas mieux que moi, c'est ça qu'est bon). 
Les touristes en maillots scrutent à quelques mètres des invités super sapés ce divertissement peu commun. Le pasteur, pas banal lui non plus, demande à l'auditoire de prendre son smartphone pour chercher le texte de l'apôtre Jean et le lire avec lui...



Je suis de nouveau la route pour rentrer à la posada. Des dizaines de scooter roulent dans le sens inverse au mien, se rendant sûrement au centre pour un Saturday night fever qui commencera dès la nuit tombée. Et elle tombe tôt ici, finit les longues soirées d'été européenne, à 18h30 c'est la nuit. 




Souvent la famille entière a grimpé sur le scoot,ou bien une partie du mobilier nécessaire pour la soirée. Jusqu'à cinq, on est bon si il y a des enfants. Je vois un attirail impressionnant s'approcher en roulant : deux hommes sur un unique scoot transportent une batterie entière, crash et toms, le tout sous étuis. A proposer aux backliners français....







Le long de la route de la côte. Cette route de bord de mer est toujours mon fil d'Ariane. Les maisons ressemblent à ce qui dans mon imagination correspondrait à l'architecture de la Louisiane : des baraques en bois, peintes en couleur. L'algorythme est imparfait, les belles maisons récemment repeintes côtoient celles qui s'usent aux vent et celles qui ne sont plus que ruines ou n'ont jamais finies d'être construites.

Des poules déplumées courent de chaque côté. Les déchets sont nombreux, entre ceux qui s'accumulent, jetés en bord de route, et ceux que les courants des Caraïbes ont draîné jusqu'à la plage. De la rouille, de la peinture écaillée, je me rends compte que j'y trouve du charme. Il y a quelque chose qui ne me touche pas dans les endroits parfaitement cleans, les Trinidad (Cuba), Villa de Leyva ou Cartagène. Je reconnais la beauté des lieux, mais suis davantage touchée par ces endroits de vie et d'usure. Je ne suis pas maso, je ne recherche pas l'insalubre, mais je me rends compte que les endroits que j'aime sont différents, spéciaux, étranges. San Andrés en est un.  
 




Je finis par prendre ce bus, direction El Centro. Je m'arrête dès que je vois des voiliers. Ils sont rares par ici. N'empêche, j'ai toujours besoin de regarder les bateaux de voyages et de rêver un peu. A la Nene's Marina, j'en compte 4 ou 5, pas plus. Pas moyen d'aller discuter avec les marins du bord puisqu'ils sont mouillés, je les observe un peu au zoom de mon reflex, fait un tour dans le petit bar de la marina et m'échappe. Le centre est une ville de 60 000 habitants, qui semble sur ce bout de route constituée uniquement d'hôtels et hébergements touristiques all inclusive. Ce que je suis bien dans ma posada sur la route de San Luis, loin de ce gros bordel.



Je marche en sourire, heureuse du moment, de l'endroit. Je vais pour faire demi tour mais j'aperçois au fond des losanges si hauts dans le ciel : des cerfs volants, de bric et de brocs, s'élèvent à 50m au moins. 
Les enfants les domptent habilement, font des pauses baignades en les gardant en mire, en gèrent parfois deux à la fois.



 


Je demande à un plagier qui insiste pour me « faire découvrir les sept couleurs de la mer » comment on dit cerf-volant en espagnol. « Cometa ». Cometa, me encanta. 
Je me laisse hypnotiser un moment par ce ballet aérien, et la chorégraphie des petits bonhommes qui courent dans le sable pour l'orchestrer à terre.







En quatre jours, San Andrés m'en aura fait voir de toute les couleurs, des rues au ciel, des gens à la mer. Le temps va déclinant depuis mon arrivée, du soleil brûlant des cartes postales aux orages récurrents qui rendent le ciel plus foncé que la mer. Cette île est un coin de pas pareil, pas tellement colombien, pas nicaraguayen, pas panaméen, de langue pas vraiment espagnole sans non plus être anglaise. 
A l'abri du tourisme de masse, j'ai aimé ce bout de terre qui semble dériver, se chercher, tiraillé entre des courants portants opposés. 


(1) barratissimo : super pas cher

vendredi 5 juin 2015

Colombia, round II - à la découverte du Quindio

Julian dans la Valle du Cocora (c) Mafe
J'avais prévu quelques jours à Bogota pour atterrir en douceur et me poser la question de la suite du voyage. J'ai bien atterri mais la question s'est envolée dans un genre de coïncidence magique comme j'aime. Mon pote Julian qui est réalisateur video cherchait un touriste étranger pour partir cinq jours tous frais payés avec une équipe de prod à la découverte d'une région du centre de la Colombie. Justement, je ne connais pas cette région et comptait y aller faire un tour. « Mais ça consiste en quoi Juli ? - Tu dois juste voyager et t'amuser et on s'occupe du reste. ». Ça sonne bien, ça me plait, listo, de una, on y va. 







La route entre Ibagué et Arménia serpente à flan de montagne, et des dizaines et des dizaines de camions empruntent la voie unique dans chaque sens. Autant dire que c'est un genre d'aventure, les routes colombiennes le sont toujours un peu mais celle-ci dépasse largement ce que j'ai pu voir dans ce pays jusqu'ici (on n'arrive cependant pas au niveau de la route de la mort, qui nous a mené vers hydroelectrica au Perou, dans notre assault du Machu Picchu).

La team Sin Esquinas à Salento
Le Quindio est une région sublime, je retrouve un climat chaud et humide à l'antillaise et découvre milles nuances de vert. Les paysages sont montagneux, ils s'agit en fait d'anciens volcans ce qui explique que la terre soit si fertile. Les caféiers sont partout, c'est la fin de la récolte, les baies rouges sont moins nombreuses qu'elles devaient l'être il y a un mois, mais là où elles sont encore, elles leur donnent des airs d'arbres de Noël exotiques.
Quand ça n'est pas le café, ce sont des bananiers qui par centaines peuplent les flans des cerros. Et dans la valle del Cocora, je découvre enfin la palma de cera (littéralement le palmier de cire), l'arbre emblême de la Colombie, élégant, imposant, immenses, comme des mats fertiles semés de toute part. 


 
Le résultat video de cette semaine arrivera bientôt. En attendant, à devoir parcourir chaque village pour les besoins du reportage ( Calarca, Genova, Cordoba, Carcasia, Filandia, Salento, Montenegro, Quimbaya, Buenavista, Pijao, Armenia, La Tebalda), et rencontrer de nombreux habitants racontant leurs passions pour leur région, j'ai découvert une région incroyable. Encore un bout de Colombie qui m'a enchanté.



A cheval dans la valle du Cocora


La team Sin Esquinas en intense souffrance, dans les montagnes russes du Parque del cafe

lundi 20 avril 2015

Machu Picchu express, sans train, avec entrain

Surpris par le temps qu'on avait laissé nous dépasser, on redescend de notre glacier en réalisant qu'on peut se faire une version rapide de la conquête du Machu Picchu alors qu'on pensait faire l'impasse sur la Merveille. Mais on jouera l'alternative, celle de ceux qui n'en font pas le centre de leur voyage et ne sont pas prêts à claquer des tas de dollars à chaque étape. 

Si, ceci va devenir un Machu Picchu



 A peine descendus de notre montagne et avant même d'avoir eu le confort d'une douche chaude qu'on sautait dans un bus vers Santa Maria. On descendait de la haute perchée Cusco, on retrouvait de plus en plus de vert et d'humidité. Les routes enturbannaient la montagne et on était du bon côté du bus pour ne pas voir le ravin. On l'a vu dans la seconde étape, entre Santa Maria et Santa Teresa, dans la petite voiture de notre taxi partagé qui nous trimballait pour 1h sur de la piste gadouyeuse. A traverser des rivières dans son carro tremblotant, on se disait qu'on verrait l'eau remonter du plancher. Lui n'était plus si jeune mais avait la poigne ferme sur le volant pour ce trajet périlleux qu'il effectue deux fois par jours, aller et retour.











Il nous a largué au village, pour qu'on saute dans notre dernier taxi, 30min de plus de piste vers cette usine hydro électrique d'où partent les trains qui vont jusqu'à Aguas Calientes, le village au pied de la fameuse cité inca.


Sauf que ces trains sont ridiculement chers pour les étrangers, 32 dollars pour 10km, faut pas déconner.



Alors là, l'alternative du routard, c'est suivre les voies ferrées, marcher à leur côté. Les voies traversent la jungle, le long de cette rivière toute agitée qui permet de produire de l'électricité. Elles arrivent au village, on finira donc par y arriver. On n'était pas tôt mais bien entraînés, notre pas rapide de récents montagnards ne nous a pas permis de devancer la descente du soleil.On a donc fini au halo des lampes frontales pour les 45 dernières minutes.











Aguas Calientes ortant follement de la jungle

Un dernier tunnel et après 2h30 de marche de la jungle, voilà qu'apparait tout illuminé le village, Aguas Calientes, aka Machu Pichu village. Un bled construit juste pour ce flux de touriste qui débarque quotidiennement pour découvrir la merveille du monde perchée au dessus. Un village playmobil, entre station de ski et mini Las Vegas, propre, kitsch, lumineux, étrange, surprenant, intéressant presque.






Il a fallu encore monter le jour suivant, d'abord pour éviter la suite de l'arnaque qui fait qu'une demi heure de bus vaudrait 12 dollars. On grimpera donc à pieds, tant pis si la nuit est courte (debout à 4h30 pour entrer sur le site avant la horde), si le dénivelé est clairement violent et si les cieux sont plutôt bougons. En Kway, et avec des pauses, on monte pendant une heure jusque l'entrée du site. On a beau être entraînés, on souffle et on sue. De bon matin, on croisé un lémurien pas encore planqué avant le grand débarquement de l'internationale touristique. C'est toujours un bon présage, un sage qui passe. Puis on grimpe encore, 1H30, toujours plus haut, toujours plus raide, et nous voilà en hut de la montagne Macchu Picchu, la vieille montagne qui a donné son nom au site. Dans un ciel absolument couvert.




Après 1000m de dénivelé en 2H30, on est content qu'il n'y ai rien plus haut...



Qué allegria !
Je repense aux Canaris et nos randos dans les nuages. On est trempés de pluie et de sueurs, plutôt crevés, mais content d'être arrivés en haut. On est une quinzaine, pas plus, d'aventureux haut perchés. Et quand par petit instant de miracle le ciel se découvre un peu et nous laisse apercevoir le Machu en dessous, c'est l'euphorie. Je pense qu'on entend d'en bas ces cris poussés dans les hauteurs sans pouvoir deviner d'où ils viennent. On redescend illuminés et ravis, certains d'avoir vécus des moments rares et exceptionnels là haut.






Puis on a visité, exploré, doucement, solennellement, quel bel et fol endroit malgré la foule fluo sous ses vêtements de pluie. A y repenser, on se dit qu'on l'a aimé aussi parce qu'on l'a mérité, c'était pas une visite mais une rando, avec au bout, oh la jolie merveille.

 On a redescendu tout ce qu'on avait monté, 1000m de dénivelé monté et descendu le jour même, même après 4 jours de trek en altitude, ça tire un peu. Puis on a resuivi ces étranges voies ferrées, repassé toutes les étapes avec plus ou moins de succès et après une panne de minibus un peu trop longue, un peu trop tard, on a fini par réussir à revenir à Cusco, notre camp de base péruvien.

Un peu de fatigue sur les visages, mais on est toujours sur notre petit nuage sur le chemin du retour

mercredi 15 avril 2015

Le tour de l'Ausangate en autonomie et en baskets

C'est ce montagnard de Jo qui a ouvert les voies de cette aventure au nom qui sonne déjà bien : l'Ausangate. 

On hésite longtemps avant de se lancer dans ce trek qu'on dit l'un des plus beau de cette partie du monde. La météo et un gros point faible : on est encore en saison des pluies, et 5 à 6 jours de rando grimpante dans la gadoue, c'est pas forcément le plus tentant. On envisage de possibilités. On pourrait aller au Choquequirao, des ruines plus oubliées que le Macchu, qui se méritent puisqu'il faut deux jours de marche pour y accéder. ou faire ce trek qui débouche sur le Macchu, le Salkantay, plus bas, plus facile mais forcément plus fréquenté.

On tourne autour du pot pourri d'options, et puis on finit par se lancer. On veut partir tous seuls, baskets et mochilas, le chalet de haute montagne dans le sac à dos (tente de bivouac, duvet qui résistent à -27°, matelas ultra légers, réchaud, popote,...). On achèterai bien une carte IGN mais tout est fermé puisque c'est vendredi saint. Alors on fait les explorateurs modernes, on imprime des récits trouvés sur des blogs, deux schémas approximatifs du parcours et on fait nos sac au plus léger suivant le ratio angoissant poids/confort.




JOUR 1 : on a rallié Tinke en bus, on était un peu les extraterrestres du bord et les enfants nous regardaient tiraillés entre timidité et curiosité. Les baskets fluos de Jo ont hypnotisé notre voisin de siège. Dans cette joyeuse pagaille, on a vu apparaître au loin des sommets enneigés. C'est bien par là qu'on va.  

On paie la taxe d'entrées de 10 soles( 3,3 €) aux communautés vivant sur le parcours du trek, et puis on se met en marche.

Dès la première montée, pour s'extraire de la vallée de Tinke, je crache mes poumons. Je ne fais pas la maligne, on part pour 5/6 jours de marche et me v'là avec un point de côté au bout d'une heure, exploratrice en carton pâte que je suis. Mais on avance, on se dit qu'on verra bien comment ça se passe, qu'on va au moins essayer.

On s'éloigne peu à peu des villages pour ne plus croiser que quelques maisons isolées. Les gens parlant espagnol se font de plus en plus rares : la plupart des habitants de ces montagnes ne parlent de quechua. On croise un homme qui nous propose des chevaux pour porter nos sacs. C'est que la plupart des gens partent dans ce trek avec une agence, qui fournit guide, cuisiner et des arrieros qui emmène le chargement à cheval pour permettre de marcher léger.  Mais l'idée c'est de tenter cette aventure en autonomie. Non merci señor, on se débrouille, enfin on essaie. En espérant ne pas avoir à faire demi tour et lui repasser devant tout bredouilles, ayant renoncer à l'affaire.


Troupeau de llamas et classe américaine (du Sud)

La pluie nous rejoint après 4h de marche, l'occasion de tester nos réflexes d'installation de capes de pluies et autres Kway de sac. 


Et après quelques kilomètres dans la boue, on aperçois le premier terrain de bivouac, où quelques tentes sont déjà montées. Et au fond, le massif de l'Ausangate, qui est un Apu, soit une montagne sacrée.

 
On monte la tente sous la pluie et s'y engouffre pour la nuit. Tant pis pour les sources d'eau chaudes attendues. On apprendra plus tard par nos voisins de camping qu'elles étaient vides, pour nettoyage sûrement. 

JOUR 2 : on se réveille dans un paysage blanchi par une fine pellicule de neige.  "ben oui, ça s'entendait cette nuit que ce qui tombait n'était pas de la pluie". Moi j'ai plus l'habitude de prêter oreille aux changements de vents et de courant, désolée capitaine, je ferais plus gaffe la prochaine. Du coup, on traîne un peu à se mettre en route, que ça fonde, que notre bazar sèche.
au premier plan, notre tente. Au fond, l'Ausangate fameux.

c'est parti

Le groupe qui marche avec un guide se met en route, on lui laisse une petite demi heure d'avance puis on se lance nous aussi.





encore frais, pimpants et quasiment propres


On croise encore quelques troupeaux, et les
gueules des lamas nous font rire chaque fois.


 On passe un premier col, l'Arapa, 4850m. Ca pique un peu, mais moins que le vent froid qui balaie la montagne là-haut. On hésite une fois le col passé sur le chemin à suivre, et apparait un homme à cheval qui nous renseigne. Même pas eu le temps de se perdre. Cette fois en tous cas...


On s'approche du glacier et s'émerveille. je découvre qu'un glacier vit, qu'il crie, qu'il se vend, fond, craque... Le bruit d'eau qui nous accompagne depuis le début de cette rando est interrompu par celui des avalanches, on lève alors les yeux pour tenter de voir où ça tombe.


On lève aussi les yeux pour voir toutes ces merveilles partout, la terre qui change de couleur, les lagunes qui se succèdent, des cascades qui s'égosillent, des bouts de montagnes qui apparaissent rouges entre leurs voisines plus brunes. On spasse beaucoup de temps à se dire des "waouhou" bien considérés, qui finissent par  s'atténuer quand on réalise qu'on a du se planter de chemin, parceque là, il n'y en a plus, jsutement de chemin. On aurait fait le tour de la lagune du mauvais côté, attirés par la cascade au fond où remplir nos gourdes. On piétine, on s'aventure sur des pans un peu torp abruptes, on renonce, on grimpouille. Heureusement, Jo sait lire la montagne et après quelques jolis tours et détours, fatigant mais sublime, on reprend le fil de la marche dans un sens qui semble être le bon.


enfin, d'en haut, on aperçoit le camp. Y'a plus qu'à descendre....
Un dernier col à passer (l'Ausangate pass, 4780m)  de nos ultimes forces puis une descente, si longue, vers le camp du soir que l'on arrivera pas à atteindre avant qu'il soit passé à l'ombre. Le groupe de trekkeurs nous y a déjà précédé. 

Les arrieros et leurs chevaux nous sont donc passés devant sans qu'on s'en rende compte, sûrement lors de notre aventure hors piste qui nous a valu une journée de 8h de marche...






 JOUR 3 : j'avais bien fait gaffe cette nuit là aux bruits qui nous assaillaient, et ce qui tombait sur notre tente ne sonnait pas comme de la pluie. C'était critallin et massif, mais jamais je n'aurais imaginé un réveil si blanc.
notre tente, déjà dénneigée




Jo saute dans ses baskets
la neige commence à fondre autour du campement

Ca a plus de gueule une fois le soleil levé

Très bien, on va donc continuer ce trek en baskets dans la neige. César, le guide du groupe nous avait déjà proposé qu'on le suive pour éviter de se perdre, les conditions météorologiques nous confortent dans cette idée. Tant pis pour notre envie d'autonomie, on a une montagne à grimper et elle se camoufle sous la neige, on n'aura pas trop du savoir de César. La journée commence par l'ascencion du Palomani, à 5250m soit 500 m de dénivelé depuis notre campement. C'est le plus haut col qu'on passera pendant ce trek. La journée doit donc commencer par une ascencion féroce, mais ensuite, César nous l'a promis, c'est que de la descente....


la lagune Ausangate et ses sublimes reflets
On lève donc le camp en même temps que le groupe de 4 qu'on commence à connaître à force de les croiser en bivouac : un couple allemand, un etats-unien de 18 ans qui file aussi vite que le guide et Fred, un australien.












Là, c'est vraiment dur
Tout ce joli monde part hyperéquipé, pantalon imperméable et guêtres qu'ils retireront bien vite, le soleil des Andes les faisant fondre sous toutes ces couches. Nous on n'a pas de tenue de neige, mais par contre on a nos sacs sur le dos. très vite, on est distancés par le groupe qui disparait au détour d'un zigzag, d'un flan, d'un plat. Nous on suit tant bien que mal, on sue, on grimpe mais il faut le dire, on en chie !

 
On finira par le passer ce col, à bouts de forces. Pendant ce temps, le groupe avait eu le temps de construire un bonhomme de neige qu'ils feront dévaler le long de cette pente infernale tandis qu'on reprend notre souffle.









César avait dit vrai, le reste, c'est que de la descente, on change encore de monde plusieurs fois, de la haute montgagne aux plaines, aux marécages, toujours à tourner autour de ce gros pâté de montagnes et découvrir ainsi toutes ses faces....






Arrivés au campement, on profite d'un bout de soleil pour faire sécher le matos qu'on a du rangé mouillé ce matin enneigé. Mais la pluie stoppe nette les opérations au bout de quelque minutes. On monte la tente en urgence, on s'y engouffre et on y est bien, heureusement car l'averse dure jusqu'à la nuit.










JOUR 4 : Réveil très tôt car César craint un peu la météo : des chutes de neige comme celles de la veille pourrait compromettre le passage du prochain col.  C'est le réveil le plus froid du trek. On est au milieu des nuages qui nous enveloppent peu à peu, il fait glacial, humide et pas moyen de se réchauffer. 







en plus, le chien a mangé mon kouign aman dans la nuit













Une seule solution : marcher. Il est 6h30, c'est reparti...


Nos compagnons de marche nous questionnent "vous aussi, vous finissez le trek aujourd'hui ?" . Les quelques infos qu'on avait pu glaner nous parlaient de 5 à 6 jours de marche, on n'a pas cherché plus loin. On réalise donc que c'est peut-être nos dernier jour de montagne, et que cela nous permettrait d'autres aventures. Faire le Machu Picchu avant le départ de Jo serait un hold-up d'étirement du temps. ET ça, ça nous tente.


C'est parti les gars, on va donc vivre ce jour comme un dernier jour. Ca grimpe, on s'émerveille.Très vite, on retrouve la haute montagne et sa neige dense. Le dernier col à 5100m (Jampa pass) entraîne accolades et congratulations chaleureuses de tout le groupe. Voilà, maintenant, on redescend. Et quelle descente....



les troupeaux de vigognes nous cernent


On marche dans le blanc, on guette le bleu, on croise des vigognes, ces lamas sauvages dont le poil est si recherchés. On avance si légers qu'on en oublierait les mochilas. On est heureux et chaque seconde s'apprécie.  Regarde comme c'est beau :


 






Alors qu'on fait une pause en face  de cette lagune sublime, une apparition. Une petite silhouette s'approche de notre goupe timidement, toute seule au milieu de ce grand rien. un petit bonhomme tout emmitoulé, le visage brulé des gens de smontagne,s les mains quasi violettes. Elle nose pas torp s'approcher mais Cesar l'amadoue avec ses quelques mots de quechua et des douceurs trouvées au fond de son sac. Cette apparition c'appelle Noelia ou Manuella, elle n'articule pas trop. Elle ne doit pas avoir 5 ans. Elle jette de temps en temps un regard à une ombre au loin là-bas : son papa qui travaille, à plus de 600 m d'ici. Elle observe et se cache à la fois, ce drôle de monde de montagnards de passage, drôlement accoutrés et fichtrement chargés. 




On repart, Noelie mène le groupe un moment puis s'échappe entre les murets. Elle court sans choir, son pas est léger et habile,  très vite elle disparait derrière quelques cailloux.



Nous on avance, on compte les lacs et les variétés de bleus.






 Puis on rallie enfin Pacchanta, après une grosse journée de 8 heures de marche. On ne s'en échappera pas facielment de ce bled, et sous l'averse on trouvera refuge dans une tiendita dont la cholita de propriétaire nous régalera de café instantané assez chaud pour nous fournir du rab de force.







On finira par rentrer sur Cusco à la nuit tombée, crevé, crassous, la tête encore dans les nuages et parés pour de nouvelles aventures dès le lendemain : l'assault du Machu Picchu...


Maintenant, dans ma tête, j'ai ce genre de souvenirs qui traînent...