mercredi 10 juin 2015

Retour en Caraïbes : isla de San Andrés, un bout de Colombie au large du Nicaragua


 
J'avance souvent au coup de tête, et je me sens vraiment bien dans ce genre de dynamique impromptue. C'est comme ça que je me suis retrouvée sur l'île de San Andrés, au large du Nicaragua, après m'être laissée tentée par un billet barratissimo (1) la veille pour le lendemain. Je savais pas trop où je m'embarquais. C'est une île, il y aura la mer partout, c'est le genre de donnée qui suffit à mon bonheur.







Dans le vol low cost au départ de Bogota, l'ambiance était hyperdétendue. Quasiment que des colombiens, s'offrant un week-end dans une île de rêve. Deux applausos, des sourires qui montent, on sent une impatience d'arriver, qui se change en apparente joie.

Je savais bien que je repartais vers les Caraïbes, mais je n'imaginais pas que San Andrés ressemblerait autant aux Antilles que je connais. 




Une arrivée. La chaleur assaille dès qu'on échappe à la clim de l'aéroport. Il fait nuit, l'air est lourd, et c'est très agréable. A peine sortie du petit aéroport, les chauffeurs de taxi sont à l'affut proposant leurs services. L'adresse de ma posada ne dit rien à un premier, qui me propose tout de même de m'y emmener. Je décline espérant trouver un bus, puis un meilleur prix. Un autre se démène pour trouver des infos sur la localisation exacte de cet endroit, mais sa connexion peine et il n'arrive à rien. Il me propose de m'emmener pour le même prix que le précédent. Mais lui je le sens bien, je le suis. C'est un taxi clando pourtant, mais je ne fais tellement pas confiance au genre taxi en général que je ne vois pas en quoi un clandestin serait pire.


El señor Loren m'emmène donc dans son vieux cabriolet noir vers le quartier de San Luis, à 7km du centre de San Andrès où se trouve l'aéroport. « Je pensais bien que tu étais d'Europe, j'ai eu une novia suisse, elle parlait espagnol comme toi. - Ah mon copain est à moitié suisse  - Alors on a déjà un point commun »
Comme aux petites Antilles, ça drague sec. Ici on "coquetear". Ca sonnerait joli en français, "coquetter". Je suis donc de retour dans ces terres où les hommes offrent des fruits aux femmes. Depuis notre débarquement de Transat' à Sainte Lucie et les premières bananes et goyaves proposées contre un sourire, c'est une constance en terre antillaises. En tant que voyageuse en quête de vitamines, cet aspect là me plait assez. Et hop, voilà déjà une mangue pour le petit dej' demain.


Loren a tendance à déraper vers l'anglais en cours de phrase, il me demande si je le parle. Je me dis qu'il doit avoir appris à force de fréquenter les gringas, et lui dit que je préfère l'espagnol. Je ne comprendrai qu'après avoir rencontrer le dueño de ma posada, qui lui ne parle qu'anglais : la population native noire parle anglais. 

Première surprise et troisième changement de rythme radical depuis mon retour : après une semaine hispanophone intense, et une semaine entourée de musiciens et cultureux français, voilà qu'on va reswitcher. L'anglais se tinte d'accent créole, à la jamaïcaine. Mais ici, la langue créole est d'origine anglaise, alors que dans les îles anglophones au Sud de la Martinique, le créole est français. Faut suivre...



On longe la côte, et je devine la mer derrière les rangs de palmiers, quelques bouées du chenal sont mes étoiles polaires, quel bonheur, ce vert, ce rouge qui clignotent comme à la maison. Tous les chenaux sont un genre de maison pour radeaux vagabonds. Il fait nuit mais je sais que l'horizon n'est pas loin, les bateaux non plus. Mon sourire grimpe.




Premier matin sanandresino. Réveil à l'aube aux coqs dans une chaleur déjà moite, ça madeleine dans mon corps, je suis vraiment de retour aux Antilles.



Je suis la petite route pour faire quelques courses à l'épicerie. Les gens saluent, en anglais, sourient.On voit au bout des petits chemins quelques unes des ces sept couleurs qui caractérisent, à en croire les prospectus, la mer d'ici.

Littoral crassou
Et incitation à faire des efforts
 Certains bouts de côte de sont que coraux morts se jettant dans le turquoise. En suivant la route un petit quart d'heure, on tombe sur la plage de sable blanc de Jhonny Cays (se prononce Joniki). 


A part sur ces plages, nettoyées, la côte est dégueue, comme déjà à Capurgana il y a quelques mois. Des poubelles de tris ont été posées sans que cela puisse changer les habitudes d'une population pas forcément consciente que la mer ne fait pas tout disparaître. Certains pourtant tentent d'alarme, construisant des totems en déchets, gardiens recyclés de ce littoral croûlant sous le plastique.


 


Rocky Cay et sa vieille épave qui se dézingue
Ce qui surprend au delà de ce bleu, de ces bleus, aux allures paradisiaques, ce sont les épaves qui rompent l'horizon. On en compte trois de ce côté là, échouées sur la barrière de corail. L'un des petits cargos pris au piège rouille depuis 40 ans près du petit cayo de Jhonny cay. 
Ces sentinelles semblent prévenir les arrivants du danger qui guette, mais cela ne suffit pas. Le plus récent se serait échoué début avril, et pas sur que tout la cargaison ai déjà été récupérée. Comme toujours dans ces cas là, chacun se rejette la responsabilité, jusqu'à ce que la carcasse cède et que tout ce qu'il y reste passe à la baille. 

Rocky Cay et son épave, puis au second plan Johnny Cay, et une autre épave, la plus récente


De celui ci, seuls sont émergés la poupe et la proue



Vendeuse ambulante de donuts au dulce de leche, pas vraiment dans le dress code
Je passe une journée intensive : lecture, baignade, lézardage. 
Sur la plage, au bord de l'eau, une cérémonie de mariage en blanc pour de surement riches colombiens du continent sera le premier mariage religieux auquel j'assisterai (non, mes copains ne sont pas mieux que moi, c'est ça qu'est bon). 
Les touristes en maillots scrutent à quelques mètres des invités super sapés ce divertissement peu commun. Le pasteur, pas banal lui non plus, demande à l'auditoire de prendre son smartphone pour chercher le texte de l'apôtre Jean et le lire avec lui...



Je suis de nouveau la route pour rentrer à la posada. Des dizaines de scooter roulent dans le sens inverse au mien, se rendant sûrement au centre pour un Saturday night fever qui commencera dès la nuit tombée. Et elle tombe tôt ici, finit les longues soirées d'été européenne, à 18h30 c'est la nuit. 




Souvent la famille entière a grimpé sur le scoot,ou bien une partie du mobilier nécessaire pour la soirée. Jusqu'à cinq, on est bon si il y a des enfants. Je vois un attirail impressionnant s'approcher en roulant : deux hommes sur un unique scoot transportent une batterie entière, crash et toms, le tout sous étuis. A proposer aux backliners français....







Le long de la route de la côte. Cette route de bord de mer est toujours mon fil d'Ariane. Les maisons ressemblent à ce qui dans mon imagination correspondrait à l'architecture de la Louisiane : des baraques en bois, peintes en couleur. L'algorythme est imparfait, les belles maisons récemment repeintes côtoient celles qui s'usent aux vent et celles qui ne sont plus que ruines ou n'ont jamais finies d'être construites.

Des poules déplumées courent de chaque côté. Les déchets sont nombreux, entre ceux qui s'accumulent, jetés en bord de route, et ceux que les courants des Caraïbes ont draîné jusqu'à la plage. De la rouille, de la peinture écaillée, je me rends compte que j'y trouve du charme. Il y a quelque chose qui ne me touche pas dans les endroits parfaitement cleans, les Trinidad (Cuba), Villa de Leyva ou Cartagène. Je reconnais la beauté des lieux, mais suis davantage touchée par ces endroits de vie et d'usure. Je ne suis pas maso, je ne recherche pas l'insalubre, mais je me rends compte que les endroits que j'aime sont différents, spéciaux, étranges. San Andrés en est un.  
 




Je finis par prendre ce bus, direction El Centro. Je m'arrête dès que je vois des voiliers. Ils sont rares par ici. N'empêche, j'ai toujours besoin de regarder les bateaux de voyages et de rêver un peu. A la Nene's Marina, j'en compte 4 ou 5, pas plus. Pas moyen d'aller discuter avec les marins du bord puisqu'ils sont mouillés, je les observe un peu au zoom de mon reflex, fait un tour dans le petit bar de la marina et m'échappe. Le centre est une ville de 60 000 habitants, qui semble sur ce bout de route constituée uniquement d'hôtels et hébergements touristiques all inclusive. Ce que je suis bien dans ma posada sur la route de San Luis, loin de ce gros bordel.



Je marche en sourire, heureuse du moment, de l'endroit. Je vais pour faire demi tour mais j'aperçois au fond des losanges si hauts dans le ciel : des cerfs volants, de bric et de brocs, s'élèvent à 50m au moins. 
Les enfants les domptent habilement, font des pauses baignades en les gardant en mire, en gèrent parfois deux à la fois.



 


Je demande à un plagier qui insiste pour me « faire découvrir les sept couleurs de la mer » comment on dit cerf-volant en espagnol. « Cometa ». Cometa, me encanta. 
Je me laisse hypnotiser un moment par ce ballet aérien, et la chorégraphie des petits bonhommes qui courent dans le sable pour l'orchestrer à terre.







En quatre jours, San Andrés m'en aura fait voir de toute les couleurs, des rues au ciel, des gens à la mer. Le temps va déclinant depuis mon arrivée, du soleil brûlant des cartes postales aux orages récurrents qui rendent le ciel plus foncé que la mer. Cette île est un coin de pas pareil, pas tellement colombien, pas nicaraguayen, pas panaméen, de langue pas vraiment espagnole sans non plus être anglaise. 
A l'abri du tourisme de masse, j'ai aimé ce bout de terre qui semble dériver, se chercher, tiraillé entre des courants portants opposés. 


(1) barratissimo : super pas cher

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