C'est encore un petit tournant de notre voyage. On rêve de trouver un moyen
d'embarquer sur un voilier qui partirait s'aventurer vers le Pacifique.
Sauf qu'on n'est pas du tout à la bonne saison. Donc soit par grosse
chance, malentendu, miracle, on trouve et on part à gauche, à l'Ouest,
en océan. Soit on va continuer tranquillement à explorer ces pays du
centre de l'Amérique qui semblent regorger de bien des trésors, quitte à
revenir zoner au Panama à la belle époque des départs transPacifiques,
en février-mars.
J'ai appris une autre phrase chez les Kunas, c'est "Ur
taniki". Le bateau arrive. Ojalà...
Dès le premier jour, on part plan
en main, chercher les voiliers dans ce grand bazar de capitale. On
marche des kilomètres et on raye de notre carte le yatch club où on ne
trouve que des vedettes de pêcheurs au gros fortunés, puis les Marinas
du Cosways où les milliardaires parquent leur petit joujou en attendant
le jour où, peut-être, ils prendront la mer. On dépose quand même des
annonces partout où on passe, "
". On ne sait
jamais.
On se balade jusque la marina de Balboa. Ici se posent les navires qui viennent
de franchir le Canal. Pas mal de mâts, ça nous émoustille, tout semble
possible.
On pose notre excitation à la terrasse du bar de la
marina. Si il y a des marins c'est bien au bistrot qu'on va les trouver.
Et en effet, on discute avec deux frangins chiliens qui viennent de
passer le canal de Paname. Ils nous confirment ce qu'on savait déjà : on
est complètement hors saison, peu de bateaux partent vers le Pacifique,
ils ont été le seul voilier à passer le canal cette semaine. Ils
veulent convoyer leur bateau vers le Chili d'une traite en 40 jours de
mer et n'ont pas de place pour nos petites carcasses. Par contre, ils
nous conseillent d'aller traîner sur la côte Caraïbes, où quelques baies
et marina abritent les voiliers en partance qui n'ont pas de quoi
assumer les frais de la très chère marina de Shelter bay, à l'autre
entrée du canal.
On a quelques noms en têtes, beaucoup d'envie,
alors on refait les sacs, on quitte la grosse ville (Allelluia !) et
c'est parti pour la chasse au bateau.
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Libnon Bay Marina, en construction |
Puerto
Lindo, Panamarina, Linton Bay, Portobello... On écume les côtes, on
traques les voiliers, on rêve et on rencontre pleins de gens et
d'histoires. On atterri sur des îles au trésor, mais on n'a pas le plen; pi le trésor qu'on cherche n'est pas sonnant et clinquant, sauf du bruit des drisses dans les mâts, tu vois...
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Atelier pliages et annonces pour les chercheurs d'embarquement |
Et moi je lis
Long John Silver de Bjorn Larssön, trouvé par hasard dans
un de nos refuges de passage. Le récit passe par Saint-Malo puis les
Caraîbes qu'on y appelle Indes Occidentales. Le décor, l'histoire, tout
colle parfaitement avec ces lieux où on rode, et je vois du pirate en
chacun.
C'est que ce petit pays tout étroit qu'est le Panama a été une cible idéale pendant des années. Par ici transitait l'or d'une Amérique à l'autre. Toute cette côte a été écumée
par des attaques pirates. Ce boucanier de Morgan a détruit et pillé la ville de Panama.
Côté Caraïbes, mêmes genres de combats. Les côtes sont fortifiées,
canonnées et chargées d'histoires. Et un héritage demeure : on trouve
pas mal de marins perdus dans le rhum.
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Douce vie au Castillo |
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El Castillo, comptoir à pirates avec vue sur mer |
Les épaves ne sont pas
qu'humaines, partout le long des côtes dépassent des bateaux coulés, des
destins surpris par les récifs coralliens. On nous raconte que 33
bateaux ont coulés aux îles San Blas l'an dernier. Et rapidement on
comprend que parmi ces forêt de mats qui à l'arrivée dans chaque port
nous faisaient rêver, il y a des centaines de bateaux qui ne naviguent
plus, qui, abandonnés, vieillissent mals et semblent disparaitre de jour
en jour, oubliés au mouillage, tel des bateaux fantômes.
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Portobelo est prête, surtout que la route d'évacuation mène à la taverne de ce vieux pirate de Jack |
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Isla Mamey, on y est pas trop mal |
On roule et on ricoche, d'une baie à l'autre, d'une piste à une autre. On rêve à chaque voile qui passe, on espère. Et puis, on tombe sur Mike. Ou bien il nous tombe dessus ?
Mike se dit kenyan, où il a grandit jusque ses13 ans. Puis ça a été la Barbade, et le retour aux terres d'origines brittaniques pour les études. Faute de boulot en Angleterre, il est parti en Equateur, guide plongeur au Galapagos c'est un beau métier pour un biologiste marin. Il a passé la plus grande partie
de sa vie en Equateur et vit au Costa Rica. On a discuté un
soir au village, le lendemain il nous invitait pour l'apéro à bord de
Turning Point, le voilier qu'il a acheté au Guatemala et ramène
tranquillement chez lui. On était déjà les plus heureux de monter dans
l'annexe, reprendre pied sur un territoire flottant, voir la côte du bon
côté.
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Mike et Jo ramènent en youyou les nouveaux panneaux solaires pour faire de Turning Point un petit Versailles |
Le lendemain, l'invitation se déclinait sous la forme d'un dîner.
Un curry délicieux et du rhum sur un bateau, y'a des sourires qui se
sont bien installés. Et puis on est partis deux jours avec lui. On a
retrouvé la mer, qui pour l'occaz s'était fait grosse. Le vent dans les
voiles et dans les cheveux. La pêche et le bonheur de se régaler des
prises du jour. Que la côte panaméenne est plus charmante vue du large.
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Mike sur la isla Linton, à la chasse aux singes |
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Ces coquins de singes araignées se déplacent sur deux pieds (si, regarde, à gauche sur la plage) |
Six nuits à bord, plein de bonheur fort et en tous genres.
Des dauphins, une tortue, des singes araignées qui se baladent debout
comme nous, et tous ces pélicans, et les cris des singes hurleurs dès
les premières lueurs pastels du petit matin...
C'est pas le Pacifique,
et pourtant ça ressemble fort à ce dont on avait envie et besoin. Nos
recherches acharnées d'embarquement ont finalement donné quelque chose
d'assez satisfaisant pour calmer un peu nos besoins pressants de large.
On se dit qu'on reviendra à la saison des départ pour retenter notre
chance en Pacifique.Maintenant on peut avancer, y'a tout une liste de pays qui font rêver
droit devant nous. Y'a plus qu'à. Prochaine étape, le Costa Rica.
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