jeudi 18 décembre 2014

A bord



Abalone est svelte avec un joli petit cul, il est charmant mais fort rouleur, le coquin. On est donc souvent penchés et secoués, il faut constamment s'accrocher et faire en sorte de défier la gravité pour faire tenir corps et biens sur un terrain mouvant. Heureusement qu'on change parfois de bord, on risquerait de se transformer en dahuts des mers. Quand ça bouge trop, tout devient plus compliqué. On se contente de bouffes simples et on mange assis au fond du cockpit pour pouvoir se caler. Les antidérapants étaient nos meilleurs alliés dans cette lutte contre l'inclinaison perpétuelle.

La bouffe est un des points les plus importants en mer. Ça rythme la journée et maintient le moral.
Sur une transat, les manœuvres de voiles sont très limitées, on peut passer plusieurs jours sans toucher trop au gréement. Chacun vaque alors à des occupations diverses : la lecture, la pêche, le bricolage... Mais une journée type sur Abalone se construit essentiellement autour des repas, de leur  conception à leur digestion. Cet exercice se complique au fur et à mesures que les vivres fraîches diminuent. On n'a pas de frigo sur notre bon vieux ketch, or après une semaine en mer, toute la glace de la glacière s'était faite flaque. L'avantage étant que sans frigo, le beurre est toujours parfaitement onctueux pour tartines le matin. Oui m'sieurs dames, le bonheur c'est aussi réaliser ce genre de choses simples, comme l'optimisation du tartinage de biscotte.


9h : fin du dernier quart de nuit


Quand l'Amiral fait office de table
9h/9h30 : en général tout l'équipage est levé et prend le petit déjeuner dans le cockpit. Souvent on renverse du café.
Parfois le miel coule. On se raconte nos quarts et on se demande quel jour on est. On ramasse aussi les poissons volants échoués sur le pont pendant la nuit. On n'en a jamais eu d'assez gros pour tenter la friture (on a même récupéré le plus petit poisson volant imaginable, et ainsi gagné le concours du plus petit exocet ramassé, faute de se distinguer à celui du plus gros poisson pêché), mais notre pote Jonathan de Sol nous racontait que frits, ils sont un doux mets pour le marin affamé.
Plus petit exocet de la flottille, et ouais !

Rémi au petit dej


12h UTC (temps universel) : "le posit" : nous devions chaque jour envoyer notre position (lattitude/longitude) et nos infos météo et anecdotes de navigation à midi en temps universel.
Le fait est que sur Abalone, autoproclamé République indépendante d'Abalone (Commune libre m'aurait mieux plu, m'enfin), nous vivions à l'heure qu'on voulait et changions fréquemment de fuseau horaire, à notre bon coeur. Le but était que le soleil continue à se lever pendant la dernière heure du quart du matin, donc entre 8h et 9h temps Abalone. On est  donc partis du Cap Vert en heure Zoulou, puis on est passés en Bravo (l'heure française je crois), puis on est repassés en Alpha, puis Zoulou, puis Yankee, puis X ray. Arrivés à Sainte-Lucie, nous sommes passés Victor pour tenter de se rephaser avec la civilisation et ses normes. Du coup, les premiers posit étaient à 13h, et à la fin de la traversée, les café à peine avalés que nous envoyions nos infos.
Les officiers com en action pour le posit

11h30/12h : on commence à se dire qu'il serait temps d'envisager à songer à l'apéro. La préparation du déjeuner suit. On termine souvent au café en début d'après midi.
Fin du frais + 2 jours : ça commence à puire dans la glacière


Ensuite c'était logiquement sieste, au soleil pour "les miss" comme nous appellent les hommes du bord. Lecture, bullage, pensage, écriture, dessin, comptage des vagues et chasse à la baleine occupent l'après-midi.






















Philippe et son sextant de poche

Pierre, styliste

En fin d'aprem, le soleil entame sa redescente et on commence à se demander si ça sera un jour à rayon vert. En général, ça ne l'ai finalement pas, puisqu'on ne l'a vu que le soir de notre dernière nuit de traversée. Oui on l'a vu, et non ça n'était pas le citron dans le ti-punch, on était alors à cours de ce genre de petits plaisirs frais.



Du coup, on devait systématiquement noyer cette absence de phénomène naturel vert en levant nos verres. Puis arrive l'heure du dîner qui finit souvent pendant le début du premier quart de nuit (rebaptisé "quart social", car on le passe rarement seul).

Cette routine n'en était pourtant jamais vraiment une, tout dépendant que nous étions de l'autour et des éléments. Une belle prise en pêche occupe ainsi un bon moment, puisqu'il faut ensuite lever les filets et que la règle du bord était que celui qui pêche cuisine ensuite sa prise. 

Une dorade de nuit, enfin de petit matin
Si tu connais le nom de ce poisson, ça nous intéresse


Un bonne averse, rencontrées seulement sur les dernier sjours de mer, mettait fin incessamment aux activités de chacun : on sautait alors sur le pont en maillot pour tenter de profiter de ce rab' d'eau douche pour un rinçage voir une douche.

Et puis on s'inventait des divertissements. Quatre bouteilles de pifs contenant des messages on était lancées pendant cette traversée. Pas de cartes au trésor, mais des mots gentils, des dessins, de l'espoir et une citation de Romain Gary (non je ne peux pas m'en empêcher). Elles doivent aussi faire route vers l'Ouest. Qui sait, peut-être qu'on en entendra reparler...
Officiers com version 1.0 : bouteille à la mer

Lancer de bouteilles






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