jeudi 18 février 2016

Reprise de marche : Julie à la montagne

...ou les tribulations d'une bretonne en milieu alpin austral

28 jours de mers sur un cata de dix-huit mètres avaient suffit à bien dégonfler nos guibolles. C'est que les options d'aller se les dégourdir au beau milieu de l'océan sont plutôt limitées. Les premiers 500m aux Marquises ont été une épreuve de force, le corps ne comprenait plus cet enchainement de pas tendant vers l'infini. Et si la Polynésie n'est pas vraiment terre de marche, la Nouvelle Zélande est sublime tentation. Il y a mille paysages à aller explorer à pieds, et un service public super efficace niveau rando, carto, meteo (le DOC). 


 Pour ceux qui n'ont pas la chance de connaitre l'animal, il faut que vous sachiez que Jo est aussi montagnard que je suis de la mer, voire pis. Pour ceux qui ne me connaissent pas, il faut savoir que la dernière fois que  je suis montée sur des skis remonte à la classe de neige en 5e. Il y a donc un monde entre nos deux univers, qu'on prend plaisir l'un l'autre à défricher lorsque l'occasion se présente. Ce qui soupoudre de burlesque bien des situations. 

Etape 1 - charger la voiture
  Alors on a repris tranquillement la marche, bien loin de nos performances péruviennes (voir nos grimpettes sur l'Ausangate au Pérou l'an passé). 
Par une balade en famille d'abord  avec la tribu de Tim et Phaedra (qui nous ont hébergé une semaine à Greymouth contre un peu de boulot, beaucoup de partage, d'écoute et de magnifiques moments). 

"The Ballroom", sur la Fox River, est Coast, South island
Avec eux on s'embarque pour notre premier bivouac aux Antipodes, sous un abri creusé par des milliers d'années de passage de rivière. On découvre aussi  le sport national en rando : le "river crossing".

 

Puis on se prévoit une semaine de break entre deux expériences woofantes. Une semaine pour partir sac au dos explorer  davantage. Et déjà dès la prépa du sac, j'ai tout à apprendre.
Blueberry, Jo, et tout ce qu'on a prévu de rentrer dans nos sac-à-dos pour 4 jours de marche sur le Gillepsie Circuit
Avant de partir, frais, vaillants et confiants
Après quelques heures de marche, un peu moins de tout ça...

C'est quand même de drôle d'aventures que ces remontées de montagne. C'est pas banal de grimper ces machins. Moi avec mon pied marin, je fais plutôt dahut dans cet environnement de cailloux. J'y met quelques repères de mers, et voilà qu'au sommet on croiserait des amers.

C'est une balise, non ?
et là c'est un aileron
Ici une figure de proue
Et une ici encore

J'ai pas toujours le pas vaillant, équipée pour un bivouac haut perché, ça fait une belle prise au vent. Mais le plus usant pour une néophyte salée reste cette manie de montagneux de constamment descendre pour mieux remonter. Tu arrives en haut d'une côte qui t'a arraché ton dernier souffle et tu vois le chemin tranquillement redescendre. Mais pas moyen de te réjouir, il remontra de plus belle et de plus raide quelques centaines de mètres plus loin. Et on aura le souffle trop court pour maudire les ingénieurs des sentiers pour l'absence d'ouvrages d'arts et de remontées mécaniques. 
 "mais faut encore grimper tout ça !"


"Tu crois qu'on se couvre ? Sur le bord d'après,on aura le vent de face."
Il y a pourtant tant en commun. Cette dépendance aux éléments qui fait qu'une rando tranquille devient épreuve de force sous des "heavy rains" et autres "strong gales". Ce fait de ne pas foncer tout droit vers un but mais de devoir louvoyer pour pouvoir l'atteindre. Ces crètes qui nous dominent, d'écumes ou de rocailles. Je m'égare à les nommer "arrêtes". Je m'en sors d'une pirouette peu vaillante sous mes kilos de sacs "d'toutes façon, les crêtes, c'est pour les punks".  



N'empêche que dans nos rêves haut perchés, on a croisé des balises, des requins et des figures de proues. Comme si la mer avait monté, comme si on voguait à bord de notre tente, chambre avec vues interchangeables à l'infini. La montagne aussi, ça vous gagne.

Bienheureux une fois en haut

Impression incroyable d'épanchement Daliesque : cette photo est bien horizontale, mais on croirait que le monde penche à gauche...
Bivouac au dessus de Wanaka, sur la skyline track après le Roys Peak Mount et le Mount Alpha



BONUS : le climat en Nouvelle Zélande est sujet à des variations très fréquentes et rapides. Ce qui offre aux marcheurs l'occasion de déballage intéressants pour sécher le bazar

au retour de notre tentative avortée de passage du Gilllespsie pass
A Wanaka, une fois redescendus et rentrés en stop de notre aventure sur la skyline

jeudi 4 février 2016

Robert L de Berry, l'homme qui plantait des arbres

Il fallait bien une rencontre attirante pour nous faire avancer jusque Cambrian, dans le Central Otago entre Alexandra et Ranfurly, sur la loop road qui s'échappe vers Saint Bathans. Les kiwis interrogés sur notre passage n'ont jamais entendu parlé de ce village, pourtant sur la plupart des cartes. Pas si étonnant : dans ses instructions pour trouver son antre, Bob nous rappelle la population de Cambrian à l'année : six habitants. 

On roule doucement pour ne pas louper cet endroit appelé à être notre chez-nous pour la semaine à venir.  Au bout du chemin du fond de la boucle, une fumée blanche s'échappe par la cheminée d'une maisonette en terre claire à la porte d'entrée grande ouverte. Sur ce portail qui flotte seul sans clotûre, comme un décor de ciné oublié après un tournage, un avertissement "Beware of the hug" (Attention à l'accolade diraient nos amis québecois).


Beware of the Hug

Robert L de Berry n'est même pas un nom d'artiste. Mais pour nous c'est Bob, 70 balais joyeusements entassés, une barbe blanche sauvage à la Santa de bois, des chapeaux rigolos qu'il fabrique de ses mains, le fun poussé en art de vivre, un sourire massif et une pêche d'enfer. 

Bob a eu plein d'aventures, plusieurs amours, mais peu d'emplois salariés. Après quelques années de voyage, et quelques autres en tant que prof, il s'est lancé avec sa douce de l'époque  dans un mode de vie basé sur l'autosuffisance, cultivant ce dont il avait besoin pour vivre et restant ainsi seul maître de sa force de travail. 

 



Un bon bout de vie plus tard, la douce est partie, la suivante aussi, les gosses ont grandit et la pension de retraite est arrivée. Alors Bob ayant vécu toute sa vie avec si peu d'argent s'est vu soudainement devenir riche chaque mois des quelques centaines de dollars versés par le gouvernement néozélandais à ses citoyens au-delà de 65 ans. Adieu légumes, vaches, cochons et autres produits faits maison, demeurent une troupe de poulettes et la bière brassée main. Désormais, Bob investit désormais l'intégralité de son énergie assez phénoménale dans son ultime projet : planter des arbres. 


Beer making



"Tu connais Jean Giono ? Tu as lu L'Homme qui plantait des arbres? " Bob l'avait lu à mon âge, et une petite graine avait du s'imiscer sans faire de bruit. Du lodge où on dort de l'autre côté du chemin, on aperçoit de la fenêtre les prémisces déjà imposantes de sa forêt en construction. Quelques dizaines d'années plus tard, c'est devenu sa mission, son leitmotiv. 'Une journée n'est pas perdue si un arbre a été planté', cette phrase est punaisée sur un tableau à pensées dans la petite cuisine, pièce principale de la maisonnette de Bob.


 

Le Central Otago est un territoire très sec. Il a été peuplé au départ par des chercheurs d'ors venus d' Irlande, du Pays de Galle. Ils se sont fait fermiers une fois les filons épuisés.  Aujourd'hui, au milieu de paysages de plaines pas loin des westerns ricains, Cambrian apparait déjà comme un petit oasis de verdure.  Et ce n'est que le début. L'idée est que dans quelques dizianes d'années, on vienne à Cambrian pour une balade ombragée sous les branches de la "forêt commune"  en ouvrage.

Alors chaque jour on prend soin des jeunes arbres, on les protège des attaques malfaisantes des lapins, lièvres et autres grignoteurs nuisibles. On les arrose car l'été s'est finalement décidé à devenir chaud. Et on écoute les histoires de générations de woofeurs (Bob en accueil depuis trente ans) ayant pris part à ce projet, et laissé comme empreinte un arbre planté comme un petit bout d'espoir qui faire grandir le rêve de Bob.


"This coffin was made with much levity, its owner desires legivity, but regardless of Health Irrespective of Wealth Don"t stuff around with Negativity"
Bob suspendu sous son cercueil
La suite, Bob y pense aussi. Il a beau avoir déjà bâti son cercueil, il se voit encore continuer dix ans, à s'occuper des arbres en priorité. Il anticipe même les changements qui pourraient intervenir dans les prochaines années, plantant des arbres fruitiers qui d'habitude ne produisent pourtant pas, mais pourraient être matures dans trois ou quatre ans si le changement climatique envole le gel, fatal jusque là aux fruits. 
Ensuite, il espère que son fiston reprendra l'aventure et trouvera un moyen d'en vivre. C'est peut-être le seul doute qu'on a vu passer dans les yeux de Bob pendant cette semaine passée ensemble, cette question de l'avenir du lieu après lui. Très vite repoussée par un grand éclat de rire. 

 





Aujourd'hui,  on va quitter cette bulle verte, encore une fois bien marqués par une rencontre exceptionnelle avec un humain, son énergie et son choix de vie. Mais avant, on va planter des arbres. Un chêne pour Jojo qui pourrait durer des centaines années. Un peuplier pour moi qui aime les écouter danser.

3 février 2016



notre lodge, chez nous d'une semaine

petit matin doux sur l'étang

le rugby par Bob

en construction de chapeaux de laine
Le père Noel est un chasseur ? Non, une marte rode autour des poules, Bob s'en charge...

Ici sera plus tard un grand peuplier chantant

mardi 19 janvier 2016

Premiers vagabondages en Zélandie Nouvelle


Coeur coeur love les copains
New Zealand. On arrive la veille d'un changement d'année, en avance d'une journée sur cette Polynésie qu'on vient de quitter. A Wellington, on est attendus à l'aéroport, et ça change tout voyage de chercher un sourire si connu à l'arrivée. Joyeuses retrouvailles et doux sas d'adaptation, à cette mer tellement plus froide (le bain du 1er janvier devient un rituel qui pourrait devenir défi...) , à ces Brittishs australs et à leur drôle d'accent, à ce nouveau terrain de jeu des antipodes.

Wellington, 1er janvier 2016, bien loin des lagons...

Un autochtone sympa

Heureux propriétaires d'une Toyota Estima
On poursuit notre collection d'îles. J'ai compté un jour d'insomnie, j'en étais à 22 depuis le départ de France. C'est ça d'être oceanodépendante, ou marinocentrée. En voilà déjà deux de plus. Quelques jours sur l'île du Nord puis on s'est évadés : nous voici sur l'île du Sud, armés d'une maison roulante baptisée Blueberry par les petites meufs géniales de la première famille qui nous accueillie en chemin.

Les Terrific Three l'ont dit, la caisse se nommera Blueberry
 
On a encore trouvé un petit paradis, un jardin sur mer, des légumes magnifiques,  une fabrique à sourires. On a encore ricoché, de la fille aux parents, en suivant l'horizon vers le Nord. On creuse, on terrasse, on désherbe, on nettoie, on cuisine, on construit un mur de galets ou bien on coupe du bois. Tout nous va, tout nous plait, en si bonne compagnie. Saura-t-on encore bosser sans vue sur la mer et chant des vagues ? On verra, pour l'instant on est encore bien là. Le soleil lui s'est couché en éclats, le bush dort après s'être teinté d'ocre et de cris d'oiseaux. On entend toujours chanter la mer.


 
Demain on reprend la route, on descend de notre colline, de notre maison perchée, on poursuit notre ligne de fuite vers le Nord. On va au bout des choses, on ira au bout de la dernière route de la côte Ouest, avant un demi tour plein Sud. Le roadtrip est encore une nouvelle étape dans nos mouvances, l'essentiel étant de garder sa gauche, ce qui nous va plutôt bien.


Greymouth, chambre de travailleur avec une merveille de vue

Un homme et des cailloux

cuisine intégrée
salle de bain pas loin


Pêche à l'embouchure (Mokihinui, Gentle Annie)