jeudi 4 février 2016

Robert L de Berry, l'homme qui plantait des arbres

Il fallait bien une rencontre attirante pour nous faire avancer jusque Cambrian, dans le Central Otago entre Alexandra et Ranfurly, sur la loop road qui s'échappe vers Saint Bathans. Les kiwis interrogés sur notre passage n'ont jamais entendu parlé de ce village, pourtant sur la plupart des cartes. Pas si étonnant : dans ses instructions pour trouver son antre, Bob nous rappelle la population de Cambrian à l'année : six habitants. 

On roule doucement pour ne pas louper cet endroit appelé à être notre chez-nous pour la semaine à venir.  Au bout du chemin du fond de la boucle, une fumée blanche s'échappe par la cheminée d'une maisonette en terre claire à la porte d'entrée grande ouverte. Sur ce portail qui flotte seul sans clotûre, comme un décor de ciné oublié après un tournage, un avertissement "Beware of the hug" (Attention à l'accolade diraient nos amis québecois).


Beware of the Hug

Robert L de Berry n'est même pas un nom d'artiste. Mais pour nous c'est Bob, 70 balais joyeusements entassés, une barbe blanche sauvage à la Santa de bois, des chapeaux rigolos qu'il fabrique de ses mains, le fun poussé en art de vivre, un sourire massif et une pêche d'enfer. 

Bob a eu plein d'aventures, plusieurs amours, mais peu d'emplois salariés. Après quelques années de voyage, et quelques autres en tant que prof, il s'est lancé avec sa douce de l'époque  dans un mode de vie basé sur l'autosuffisance, cultivant ce dont il avait besoin pour vivre et restant ainsi seul maître de sa force de travail. 

 



Un bon bout de vie plus tard, la douce est partie, la suivante aussi, les gosses ont grandit et la pension de retraite est arrivée. Alors Bob ayant vécu toute sa vie avec si peu d'argent s'est vu soudainement devenir riche chaque mois des quelques centaines de dollars versés par le gouvernement néozélandais à ses citoyens au-delà de 65 ans. Adieu légumes, vaches, cochons et autres produits faits maison, demeurent une troupe de poulettes et la bière brassée main. Désormais, Bob investit désormais l'intégralité de son énergie assez phénoménale dans son ultime projet : planter des arbres. 


Beer making



"Tu connais Jean Giono ? Tu as lu L'Homme qui plantait des arbres? " Bob l'avait lu à mon âge, et une petite graine avait du s'imiscer sans faire de bruit. Du lodge où on dort de l'autre côté du chemin, on aperçoit de la fenêtre les prémisces déjà imposantes de sa forêt en construction. Quelques dizaines d'années plus tard, c'est devenu sa mission, son leitmotiv. 'Une journée n'est pas perdue si un arbre a été planté', cette phrase est punaisée sur un tableau à pensées dans la petite cuisine, pièce principale de la maisonnette de Bob.


 

Le Central Otago est un territoire très sec. Il a été peuplé au départ par des chercheurs d'ors venus d' Irlande, du Pays de Galle. Ils se sont fait fermiers une fois les filons épuisés.  Aujourd'hui, au milieu de paysages de plaines pas loin des westerns ricains, Cambrian apparait déjà comme un petit oasis de verdure.  Et ce n'est que le début. L'idée est que dans quelques dizianes d'années, on vienne à Cambrian pour une balade ombragée sous les branches de la "forêt commune"  en ouvrage.

Alors chaque jour on prend soin des jeunes arbres, on les protège des attaques malfaisantes des lapins, lièvres et autres grignoteurs nuisibles. On les arrose car l'été s'est finalement décidé à devenir chaud. Et on écoute les histoires de générations de woofeurs (Bob en accueil depuis trente ans) ayant pris part à ce projet, et laissé comme empreinte un arbre planté comme un petit bout d'espoir qui faire grandir le rêve de Bob.


"This coffin was made with much levity, its owner desires legivity, but regardless of Health Irrespective of Wealth Don"t stuff around with Negativity"
Bob suspendu sous son cercueil
La suite, Bob y pense aussi. Il a beau avoir déjà bâti son cercueil, il se voit encore continuer dix ans, à s'occuper des arbres en priorité. Il anticipe même les changements qui pourraient intervenir dans les prochaines années, plantant des arbres fruitiers qui d'habitude ne produisent pourtant pas, mais pourraient être matures dans trois ou quatre ans si le changement climatique envole le gel, fatal jusque là aux fruits. 
Ensuite, il espère que son fiston reprendra l'aventure et trouvera un moyen d'en vivre. C'est peut-être le seul doute qu'on a vu passer dans les yeux de Bob pendant cette semaine passée ensemble, cette question de l'avenir du lieu après lui. Très vite repoussée par un grand éclat de rire. 

 





Aujourd'hui,  on va quitter cette bulle verte, encore une fois bien marqués par une rencontre exceptionnelle avec un humain, son énergie et son choix de vie. Mais avant, on va planter des arbres. Un chêne pour Jojo qui pourrait durer des centaines années. Un peuplier pour moi qui aime les écouter danser.

3 février 2016



notre lodge, chez nous d'une semaine

petit matin doux sur l'étang

le rugby par Bob

en construction de chapeaux de laine
Le père Noel est un chasseur ? Non, une marte rode autour des poules, Bob s'en charge...

Ici sera plus tard un grand peuplier chantant

1 commentaire:

  1. Nous venons de quitter Bob avec qui nous avons passé quelques jours merveilleux. Nous sommes aussi sur la route avec cette même envie de rencontrer des personnes comme Bob. Nous sommes en NZ pour 3 semaines encore et cherchons à rencontrer des locaux. Si vous avez des bons plans, karine@benabadji.net ou FB open village 20152016. Bon Vent, et si le Maroc est sur votre route, contactez nous...

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