C'est pas la première histoire de traversée à être ici racontée. Il y a eu deux océans quand même, des coups de lanchas épiques dans le Darien, récemment encore du poti marara entre atolls accompagnés de porcelets. Voilà donc une nouvelle pièce pour la collec' : le voyage en cargo.
Mi décembre, retour à Papeete après cette immersion puamotesque. Il nous reste quinze jours en Polynésie. On veut repartir mais on n'a plus le budget pour l'avion, tellement cher entre les îles. Faute de voilier sur le départ, la seule autre alternative est la goélette : les îles sont approvisionnées toute la semaine par des cargos voyageant entre Tahiti et les archipels. Certains de ces bateaux, qu'on appelle ici goélettes, embarquent aussi quelques passagers (officiellement douze par trajet), on va tenter notre chance.
On passe donc des heures à Motu Uta, le quai des cargos, à regarder le chargement du Hawaiki nui, un petit cargo bleu atoll qui dessert les îles sous le Vent : Huahine, Raiatea, Tahaa et Bora Bora. C'est justement cette dernière qu'on voudrait atteindre, on y a un rencard avec Mathieu et Anaïs, et un point de chute en couchsurfing. Sauf que ce sont les vacances scolaires, les places sont réservées depuis des mois. Au bureau de la compagnie, on nous dit :"Aita, pas moyen, ça sert pas à grand chose d'attendre les gars, c'est full". Nous on a la tête dure et l'envie d'aventure, alors on veut y croire.
Les heures passent, les dockers s'affairent sous le soleil de plomb, les conteneurs se déplacent et s'entassent en cale, entre d'autres objets moins communs : des pirogues, des velos, un manège même attend son tour.
On est une trentaine à atteindre sous le cabanon, et seuls douze ont leur ticket pour la traversée. Les avis sont plutôt rassurants, ce capitaine est sympa, on a deja fait ça plein de fois. On discute avec Jacqueline qui connait la Bretagne car elle a été à Nantes pour un don d'organe "je leur ai demandé quand j'étais là bas si ça existait depuis longtemps, le don d'organe. Ils m'ont dit que oui. Et nous ici on savait pas, on aurait pu sauver ma soeur..." C'est sa nièce, fille de cette sœur disparue, qu'elle a sauvé d'un rein, l'air de rien, en bord de Loire dans les premiers froids de l'automne.
Après 4h de papotages et poirotage, le capitaine se pointe et prend
conscience de l'ampleur de la foule du jour. A sa mine embarrassée, ça
semble peine perdue. Il ne peut pas, qu'il dit, pas tant, et on le
comprend. Ceux qui ont des tickets embarquent, ceux qui ont une voiture
aussi, et puis quelques autres, on ne sait jamais trop pourquoi. Nous,
avec nos gueules de touristes, on veut pas griller des places à des
locaux rejoignant leur famille pour les fêtes, on ne se sent par prioritaires, on reste
derrière. On est 17 derniers énergumènes sur le quais et le capitaine
fignole son chargement sans plus oser jeter un coup d'oeil par ici. On
n'y croit plus, mais on est têtus, on ne quittera pas ce quai pas avant d'avoir vu
s'éloigner ce raffiot qu'on observe depuis des heures.
Le quai est enfin vide, le manège a été le dernier élément de ce Tetris
géant à se faire trimballer au bout de la grue jusqu'au pont. Le
capitaine revient, les mines sont déconfites, on redoute le verdict. Allez c'est bon,"nom,
prenom, âge, destination", on paie les 2000 francs pacifiques (moins de
20 euros) et on se faufile entre les éléments de cargaison avec un
sourire record, conscients d'être des foutus chanceux.
Nous voilà donc à bord de l'Hawaiki nui à destination de Bora Bora. Le soleil se couche sur Moorea, l'île en face de Tahiti qu'on ira découvrir plus tard.
C'est un cargo, les marins s'affairent tandis que sur le pont supérieur sur un caillebotis style palette à disposition des passagers, les familles installent leurs nattes et font leur lit de fortune pour la nuit.
On atteindra Huahine au lever du jour. Une petite heure de manoeuvres entre déchargements et chargements et on repart. Les prochaines îles à apparaître seront Raiatea et Tahaa, puis Bora Bora.
On l'a fait. Nous voilà en territoire icône du tourisme global après 20h de cargo. Amis des contrastes, nous voici servis. La réputation de Bora est surtout faite au fait que l'île ayant été cédée aux USA pendant la guerre, les ricains ont ramené cette image de turquoise et de cocotiers. "GI in Paradise" qu'ils disaient. Aujourd'hui encore, les touristes à Bora sont majoritairement des ricains, suivis par les japonais.
Alors, oui, le lagon est beau, mais niveau carte postale, les Tuamotus ont mis la barre très haute. On apprécie la plage publique de Matira et son eau cristalline qui nous offre notre première vraie aprem de farniente polynésien. Et surtout, on est bien heureux de retrouver les copains. On tente avec eux une échappée sauvage mais on rebroussera chemin, faute de machette sur un chemin presque oublié.
Et puis après deux jours sur place, de jolies rencontres et de chouettes retrouvailles, on remet ça. On re-signe pour l'attente au soleil et dans la poussière, le doute sur les possibilités d'embarquement jusqu'au dernier moment. Et on embarque pour une journée de traversée retour en direction de Tahiti. Le cargo est peuplé de têtes connues, des marins aux passagers, et on connait déjà les raccourcis et les meilleurs points de vue.
Ce fut donc un Bora express, alternatif, chaleureux et bienheureux. On n'aurait sûrement pas su l'apprécier autrement.
Mi décembre, retour à Papeete après cette immersion puamotesque. Il nous reste quinze jours en Polynésie. On veut repartir mais on n'a plus le budget pour l'avion, tellement cher entre les îles. Faute de voilier sur le départ, la seule autre alternative est la goélette : les îles sont approvisionnées toute la semaine par des cargos voyageant entre Tahiti et les archipels. Certains de ces bateaux, qu'on appelle ici goélettes, embarquent aussi quelques passagers (officiellement douze par trajet), on va tenter notre chance.
On passe donc des heures à Motu Uta, le quai des cargos, à regarder le chargement du Hawaiki nui, un petit cargo bleu atoll qui dessert les îles sous le Vent : Huahine, Raiatea, Tahaa et Bora Bora. C'est justement cette dernière qu'on voudrait atteindre, on y a un rencard avec Mathieu et Anaïs, et un point de chute en couchsurfing. Sauf que ce sont les vacances scolaires, les places sont réservées depuis des mois. Au bureau de la compagnie, on nous dit :"Aita, pas moyen, ça sert pas à grand chose d'attendre les gars, c'est full". Nous on a la tête dure et l'envie d'aventure, alors on veut y croire.
le quai out encombré de la cargaison de l'Hawaiki nui en attente de chargement |
Les heures passent, les dockers s'affairent sous le soleil de plomb, les conteneurs se déplacent et s'entassent en cale, entre d'autres objets moins communs : des pirogues, des velos, un manège même attend son tour.
On est une trentaine à atteindre sous le cabanon, et seuls douze ont leur ticket pour la traversée. Les avis sont plutôt rassurants, ce capitaine est sympa, on a deja fait ça plein de fois. On discute avec Jacqueline qui connait la Bretagne car elle a été à Nantes pour un don d'organe "je leur ai demandé quand j'étais là bas si ça existait depuis longtemps, le don d'organe. Ils m'ont dit que oui. Et nous ici on savait pas, on aurait pu sauver ma soeur..." C'est sa nièce, fille de cette sœur disparue, qu'elle a sauvé d'un rein, l'air de rien, en bord de Loire dans les premiers froids de l'automne.
à droite du manège, le quai commence à se vider |
après 5h de soleil et de poussière, on embarque, ravis ! |
Nous voilà donc à bord de l'Hawaiki nui à destination de Bora Bora. Le soleil se couche sur Moorea, l'île en face de Tahiti qu'on ira découvrir plus tard.
le soleil se couche et on s'échappe enfin de Motu Uta, direction le large... (au fond, l'île de Moorea) |
Jojo curieux des conteneurs qui nous entourent |
C'est un cargo, les marins s'affairent tandis que sur le pont supérieur sur un caillebotis style palette à disposition des passagers, les familles installent leurs nattes et font leur lit de fortune pour la nuit.
On atteindra Huahine au lever du jour. Une petite heure de manoeuvres entre déchargements et chargements et on repart. Les prochaines îles à apparaître seront Raiatea et Tahaa, puis Bora Bora.
Jo révolutionne le marché du masque de sommeil |
5h du mat, au départ de Huahiné, il fait déjà jour |
on observe la navigation entre lagons |
au fond les montagnes de Bora |
Notre petit cargo à quai à Bora |
On l'a fait. Nous voilà en territoire icône du tourisme global après 20h de cargo. Amis des contrastes, nous voici servis. La réputation de Bora est surtout faite au fait que l'île ayant été cédée aux USA pendant la guerre, les ricains ont ramené cette image de turquoise et de cocotiers. "GI in Paradise" qu'ils disaient. Aujourd'hui encore, les touristes à Bora sont majoritairement des ricains, suivis par les japonais.
Alors, oui, le lagon est beau, mais niveau carte postale, les Tuamotus ont mis la barre très haute. On apprécie la plage publique de Matira et son eau cristalline qui nous offre notre première vraie aprem de farniente polynésien. Et surtout, on est bien heureux de retrouver les copains. On tente avec eux une échappée sauvage mais on rebroussera chemin, faute de machette sur un chemin presque oublié.
Les Bronzés à Bora Bora |
on prend un peu de hauteur |
explorateurs |
biens contents d'avoir une eau turquoise où se jeter après notre rando loupée |
Et puis après deux jours sur place, de jolies rencontres et de chouettes retrouvailles, on remet ça. On re-signe pour l'attente au soleil et dans la poussière, le doute sur les possibilités d'embarquement jusqu'au dernier moment. Et on embarque pour une journée de traversée retour en direction de Tahiti. Le cargo est peuplé de têtes connues, des marins aux passagers, et on connait déjà les raccourcis et les meilleurs points de vue.
Ce fut donc un Bora express, alternatif, chaleureux et bienheureux. On n'aurait sûrement pas su l'apprécier autrement.
encore pas trop suants, en attendant l'embarquement sur le quai des cargos à Bora |